COLLECTION D’ANCIENS ÉVANGILES - Partie 31 et FIN

Publié le par loveVoltaire

COLLECTION D’ANCIENS ÉVANGILES - Partie 31  et FIN

Photo de PAPAPOUSS

 

 

COLLECTION D’ANCIENS ÉVANGILES

 

ou

 

MONUMENTS DU PREMIER SIÈCLE DU CRISTIANISME,

 

 

 

(Partie 31)

 

 

 

__________

 

 

 

 

 

PONCE PILATE SALUE CLAUDE, etc.

 

 

 

 

 

          A cela Paul répondit : Pour nous, avant que nous connussions la vérité, nous avons gardé la circoncision de la chair, mais dès que la vérité nous a apparu, c’est de la circoncision du cœur que nous sommes circoncis, et que nous circoncisons. Et Pierre dit à Simon : Si la circoncision est mauvaise, pourquoi êtes-vous circoncis ? L’empereur dit : Simon est-il donc aussi circoncis ? Pierre répondit : Il ne pouvait pas autrement tromper les âmes, s’il n’eût pas fait semblant d’être Juif, et n’eût montré qu’il enseignait la loi de Dieu. L’empereur dit : Vous, Simon, comme je vois, vous êtes conduit par le zèle, c’est pourquoi vous les poursuivez. Car il y a, comme je vois, un grand zèle entre vous et leur Christ, et je crains que vous ne soyez convaincu par eux, et que vous ne paraissiez détruit par de grands maux. Simon dit : Etes-vous séduit, ô empereur ? Néron dit : Qu’est-ce que c’est, êtes-vous séduit ? Ce que je vois en vous, je le dis, que vous êtes l’adversaire évident de Pierre et de Paul, et de leur maître. Simon répondit : Le Christ n’a pas été le maître de Paul. Paul répondit : Celui qui a enseigné Pierre m’a instruit par révélation, car parce qu’il nous accuse d’être circoncis, qu’il dise maintenant pourquoi il est lui-même circoncis. A cela Simon répondit : Pourquoi m’interrogez-vous là-dessus ? Paul dit : C’est la raison que nous vous interrogions. L’empereur dit : Pourquoi craignez-vous de leur répondre ? Simon dit : Je suis circoncis, moi, parce que la circoncision était commandée de Dieu dans le temps que je la reçus. Paul dit : Avez-vous entendu, empereur, ce qu’a dit Simon ? Si donc la circoncision est bonne, pourquoi avez-vous trahi les circoncis, et les avez-vous obligés d’être tués précipitamment ? L’empereur dit : Mais je ne pense pas bien de vous. Pierre et Paul dirent : Que vous pensiez bien ou mal de nous, cela ne fait rien à la chose ; car il faudra nécessairement que ce que notre maître nous a promis se fasse. L’empereur dit : Et si je ne veux pas, moi ? Pierre dit : Ce n’est pas ce que vous voudrez, mais ce qu’il nous a promis. Simon répondit : Bon empereur, ces hommes ont abusé de votre clémence, et vous ont mis dans leur parti. Néron dit : Mais vous ne m’avez pas encore rassuré sur votre compte. Simon répondit : Je suis surpris qu’après que je vous ai fait voir de si grandes choses, et de tels signes, vous paraissiez encore douter. L’empereur répondit  Je ne doute ni ne crois à aucun de vous, mais répondez-moi plutôt à ce que je vous demande. Simon dit : Je ne vous réponds rien à présent. L’empereur dit : Vous dites cela parce que vous mentez. Et si je ne puis rien vous faire, Dieu qui est puissant le fera. Simon dit : Je ne vous répondrai plus. L’empereur dit : Et moi je ne vous compterai plus pour quelque chose ; car, comme je le sens, vous êtes trompeur en tout ; mais à quoi bon plus de discours ? Vous m’avez fait voir tous trois votre esprit indécis, et vous m’avez rendu si incertain en toutes choses que je ne trouve pas à qui je puisse croire. A cela Pierre répondit : Pour moi, je suis Juif de nation, et je prêche toutes ces choses que j’ai apprises de mon maître, afin que vous croyiez qu’il y a un Dieu père invisible et incompréhensible, et immense, et un notre Seigneur Jésus-Christ, sauveur et créateur de toutes choses. Nous annonçons au genre humain celui qui a fait le ciel et la terre, la mer et toutes les choses qui y sont, qui est le véritable roi, et son règne n’aura point de fin. Et Paul dit : Ce qu’il a dit, je le confesse semblablement, d’autant qu’il n’y a point de salut par un autre, sinon par Jésus-Christ. L’empereur dit : Qui est le roi Christ ? Paul répondit : Le Sauveur de toutes les nations. Simon dit : Je suis celui que vous dites ; et sachez, Pierre et Paul, qu’il ne vous arrivera pas ce que vous désirez, que je vous trouve dignes du martyre. Pierre et Paul dirent : Que ce que nous désirons nous arrive, et puissiez-vous, Simon, magicien et plein d’amertume, n’être jamais bien, parce que dans tout ce que vous dites-vous mentez. Simon dit : Ecoutez-moi, César Néron, afin que vous sachiez qu’eux sont des faussaires, et que moi j’ai été envoyé du ciel ; le jour de demain j’irai aux cieux, et je rendrai heureux ceux qui croient en moi ; et je montrerai ma colère contre ceux-là qui ont osé me nier. Pierre et Paul dirent : Dieu nous appela autrefois à sa gloire, mais vous êtes appelé maintenant par le diable, vous courez aux tourments. Simon dit : César Néron, écoutez-moi. Séparez ces insensés de vous, afin que lorsque je serai venu vers mon père dans les cieux, je puisse vous être favorable. L’empereur dit : Et d’où prouvons-nous cela, que vous allez au ciel ? Simon dit : Ordonnez que l’on fasse une tour élevée de bois et de grandes poutres, et qu’on la place dans le Champ-de-Mars, afin que j’y monte ; et lorsque j’y serai monté, je commanderai à mes anges qu’ils descendent du ciel vers moi, et qu’ils me portent dans le ciel vers mon père, afin que vous sachiez que j’ai été envoyé du ciel. Car ils ne peuvent pas venir avec moi sur la terre entre les pécheurs. L’empereur Néron dit : Je veux voir si vous accomplirez ce que vous dites. Simon répondit : Ordonnez donc que cela se fasse au plus vite afin que vous voyiez.

 

          Alors Néron fit faire une tour élevée dans le Champ-de-Mars, et ordonna que tous les peuples et toutes les dignités s’assemblassent à ce spectacle. Or, le lendemain l’empereur Néron, avec le sénat et les chevaliers romains, et tout le peuple, vinrent dans le Champ-de-Mars au spectacle ; et lorsque tous furent venus, l’empereur ordonna que Pierre et Paul fussent présents dans toute cette assemblée ; et comme ils eurent aussitôt été amenés devant lui il leur dit : La vérité va maintenant paraître. Pierre et Paul dirent : Ce n’est pas nous qui le démasquons, mais le Seigneur Jésus-Christ fils de Dieu, qu’il a dit faussement qu’il était lui-même. Et Paul, s’étant tourné vers Pierre, dit : C’est à moi à prier Dieu à genoux, c’est à vous à ordonner, si vous voyez Simon entreprendre quelque chose, parce que vous avez été élu le premier par le Seigneur. Et s’étant mis à genoux, Paul priait devant tout le peuple ; mais Pierre regarda Simon, disant : Commencez ce que vous avez entrepris ; car le moment approche que vous allez être découvert, et que nous allons être appelés de ce siècle ; car je vois le Christ qui m’appelle, et Paul aussi. Néron dit : Et où irez-vous contre ma volonté ? Pierre répondit : Où le Seigneur nous appellera. Néron dit : Et quel est votre Seigneur ? Pierre répondit : Le Seigneur Jésus-Christ que je vois, qui nous appelle. Néron dit : Et irez-vous au ciel ? Pierre répondit : Nous irons où il plaira à celui qui nous appelle. A cela Simon répondit : Afin que vous sachiez, ô empereur ! qu’ils sont des trompeurs, bientôt quand je serai monté aux cieux, je vous enverrai mes anges, et je vous ferai venir à moi. L’empereur dit : Faites donc comme vous avez parlé (1). Alors Simon monta dans la tour devant tout le monde, les mains étendues, couronné de lauriers, et commença à voler. Néron l’ayant vu, dit ainsi à Pierre : Ce Simon est véritable, mais vous et Paul êtes des séducteurs ; et Pierre lui dit : Sans tarder vous saurez que nous sommes de véritables disciples du Christ, et que lui n’est pas le Christ, mais un magicien et un enchanteur. L’empereur dit : Persévérez-vous encore dans votre mensonge ? Voilà que vous le voyez pénétrer jusque dans le ciel. Alors Pierre dit à Paul : Paul ? levez la tête et voyez ; et lorsque Paul eut élevé la tête pleine de larmes, et qu’il eut vu Simon voler, il dit ainsi : Pierre, que tardez-vous ? Achevez ce que vous avez commencé ; car notre Seigneur Jésus-Christ nous appelle maintenant ; et Néron, les entendant, dit en souriant : Ils voient déjà qu’ils sont vaincus : ils sont actuellement en délire. Pierre répondit  Vous allez éprouver que nous ne sommes pas en délire. Paul dit à Pierre : Faites au plus vite ce que vous devez faire ; et regardant contre Simon, Pierre dit : Je vous conjure, anges de Satan, qui le portez dans les airs pour tromper les cœurs des hommes infidèles, par Dieu, créateur de toutes choses, et par Jésus-Christ, que dès cette heure vous ne le portiez plus ; mais que vous l’abandonniez ; et ayant été lâché tout à coup (2), il tomba dans l’endroit qu’on appelle la voie Sacrée, et s’étant partagé en quatre parts, il assembla quatre cailloux en un, qui servent encore de témoignage à la victoire des apôtres, jusqu’aujourd’hui. Alors Paul leva la tête au bruit qu’il fit en se brisant, et dit : Nous vous rendons grâces, Seigneur Jésus-Christ qui nous avez exaucés, et avez démasqué Simon le magicien, et avez prouvé que nous sommes vos disciples dans la vérité. Alors Néron, plein d’une grande colère, fit mettre Pierre et Paul dans les chaînes ; et pour le corps de Simon, il le fit soigneusement garder trois jours et trois nuits, pensant qu’il ressusciterait le troisième jour ; et Pierre lui dit : Vous vous trompez, ô empereur ! il ne ressuscitera pas, parce qu’il est véritablement mort, et condamné à la peine éternelle. Néron lui répondit : Qui vous a permis de commettre un tel crime ? Pierre répondit : Son obstination ; et si vous le comprenez, c’est un grand avantage pour lui qu’il soit péri, pour ne plus multiplier de si grands blasphèmes contre Dieu, qui aggraveraient son supplice. Néron dit : Vous m’avez rendu l’esprit suspect ; c’est pourquoi, par un mauvais exemple, je vous perdrai. Pierre répondit : Ce n’est pas ce que vous voulez, mais ce qui nous a été promis, qui doit nécessairement s’accomplir. Alors Néron, rempli de colère, dit à son préfet Agrippa : Il faut perdre misérablement ces hommes irréligieux ; c’est pourquoi, les ayant liés de chaînes de fer, faites-les périr dans le bassin où se donne le combat naval ; car il faut que tous les hommes de cette sorte périssent misérablement. Le préfet Agrippa dit (3) : Très sacré empereur, vous ne les faites pas punir par un exemple convenable. Néron dit : Pourquoi n’est-il pas convenable ? Agrippa dit : Parce que Paul paraît innocent. Pierre, qui est coupable d’un homicide, doit souffrir une peine amère. Néron dit : De quel exemple périront-ils donc ? Agrippa dit : A ce qu’il me semble, il est juste que Paul irréligieux, ait la tête tranchée ; et Pierre, qui de plus a commis un homicide, faites-le élever en croix. Néron dit : Vous avez très bien jugé ; et sur-le-champ, Pierre et Paul furent amenés en la présence de Néron. Paul fut décollé dans la voix d’Ostie ; mais Pierre étant venu vers sa croix, dit : Parce que mon Seigneur Jésus-Christ est descendu du ciel en terre, il a été élevé sur une croix droite ; mais moi que ma croix daigne appeler de la terre au ciel, ma tête doit être près de la terre, et mes pieds dirigés vers le ciel ; donc parce que je ne suis pas digne d’être en croix comme mon Seigneur, tournez ma croix, et crucifiez-moi la tête en bas ; mais eux tournèrent la croix, et attachèrent ses pieds en haut, et ses mains en bas. Or il s’assembla en ce lieu une multitude innombrable de peuple qui maudissait César Néron, qui étaient si pleins de fureur, qu’ils voulaient brûler Néron lui-même ; mais Pierre les empêchait, disant : Gardez-vous bien, mes petites enfants, gardez-vous bien de faire cela ; mais écoutez plutôt ce que je m’en vais vous dire ; car il y a peu de jours qu’à la sollicitation des frères, je m’éloignai d’ici, et mon Seigneur Jésus-Christ me rencontra en chemin à la porte de cette ville, et je l’adorai, et lui dis : Seigneur, où allez-vous ? Et il me dit : Suivez-moi, parce que je vais à Rome être crucifié une seconde fois ; et pendant que je le suivais, je revins à Rome, et il me dit : Ne craignez point, parce que je suis avec vous, jusqu’à ce que je vous introduise dans la maison de mon père. C’est pourquoi, mes petites enfants, gardez-vous bien d’empêcher mon voyage ; mes pieds marchent déjà dans la voie du ciel. Ne vous chagrinez point, mais réjouissez-vous avec moi, parce que j’obtiens aujourd’hui le fruit de mes travaux ; et après qu’il eut dit ces paroles, il dit : Je vous rends grâces, bon pasteur, parce que les brebis que vous m’avez données ont compassion de moi. Je vous demande qu’elles participent avec moi à votre grâce. Je vous recommande les brebis que vous m’avez confiées, afin qu’elles ne sentent pas qu’elles sont sans moi, en vous voyant, et je vous prie qu’elles soient toujours protégées par votre secours, Seigneur Jésus-Christ par qui j’ai pu gouverner ce troupeau ; et disant cela, il rendit l’esprit. Aussitôt y apparurent de saints hommes que jamais personne n’avait vus auparavant, et qu’ils ne purent voir depuis ; car ils disaient que c’était à cause d’eux qu’ils étaient arrivés de Jérusalem ; et de compagnie avec Marcel, homme illustre, qui avait cru, et qui, laissant Simon, avait suivi Pierre ; ils enlevèrent son corps en cachette, et le mirent vers le Térébinthe auprès du canal où se donne le combat naval, dans le lieu qui s’appelle le Vatican. Or ces hommes qui dirent qu’ils étaient arrivés de Jérusalem, dirent au peuple : Réjouissez-vous, et tressaillez de joie (4), parce que vous avez mérité d’avoir de grands patrons, et des amis de notre Seigneur Jésus-Christ. Or sachez que ce Néron très méchant, après la mort des apôtres, ne pourra garder le royaume.

 

          Or il arriva après cela que Néron encourut la haine de son armée, et la haine du peuple romain, de sorte qu’ils résolurent de lui couper enfin le cou publiquement, jusqu’à ce qu’il fût mort, et expirât. Ayant eu vent de ce complot, il fut saisi d’un tremblement et d’une crainte insupportable, de sorte qu’il s’enfuit, et ne parut plus depuis. Il y en eut aussi qui disaient que comme il errait dans les forêts en fuyant, il était mort de froid et de faim, et avait été dévoré par les loups. Or, comme les Grecs enlevaient les corps des saints apôtres Pierre et Paul pour les porter en Orient, il survint un grand tremblement de terre, et le peuple romain courut, et ils les arrêtèrent vers le lieu que l’on nomme Catacombe, dans la voie Appienne au troisième mille, et les corps y furent gardés un an et sept mois, jusqu’à ce qu’on eût préparé les lieux où leurs corps furent mis ; et c’est là qu’ils sont considérés avec l’honneur et la révérence convenables, et par les louanges des hymnes , et le corps du très heureux Pierre fut mis dans le Vatican du combat naval, et celui de saint Paul dans la voie d’Ostie au second mille, où reçoivent les bienfaits de leurs prières ceux qui les demandent assidûment et fidèlement, pour la louange et la gloire de notre Seigneur Jésus-Christ, qui vit et règne dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

          Moi, Marcel, disciple de mon maître l’apôtre Pierre, j’ai écrit ce que j’ai vu.

 

          Les curieux trouveront encore beaucoup d’autres pièces dans Fabricius, Grabius, Cotelerius, etc. On a cru que celles-ci suffisaient au grand nombre des lecteurs que les savants ont toujours trop négligés.

 

 

 

 

1 – Hégésippe et Abdias disent qu’il monta sur le mont Capitolin, et que s’élançant d’un rocher il commença à voler. (Voltaire.)

 

2 – Abdias dit que les ailes qu’il avait prises s’étant embarrassées, il tomba, se brisa tout le corps, s’estropia les cuisses, et expira dans ce lieu même quelques heures après ; au contraire, Arnobe, liv. II, adversus gentes, rapporte que son char et ses quatre chevaux de feu s’étant dissipés il tomba par son propre poids, se brisa les cuisses, et qu’ayant été porté à Brindes, de douleur et de honte il se précipita une seconde fois du haut d’un bâtiment. (Voltaire.)

 

3 – Lin, de Passione Petri, ajoute une autre cause du supplice de l’apôtre : c’est qu’il avait détourné les épouses d’Agrippa, d’Albin, et de quelques autres grands, de l’amour conjugal envers leurs maris. (Voltaire.)

 

4 – Toutes les éditions portent : Tressaillissez de joie. (G.A.)

 

 

 

FIN DES ANCIENS ÉVANGILES.

 

 

 

 

 

Commenter cet article