COLLECTION D’ANCIENS ÉVANGILES - Partie 29
Photo de PAPAPOUSS
COLLECTION D’ANCIENS ÉVANGILES
ou
MONUMENTS DU PREMIER SIÈCLE DU CRISTIANISME,
(Partie 29)
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RELATION DE MARCEL.
Des choses merveilleuses, et des actes des bienheureux
apôtres Pierre et Paul, et des arts magiques de Simon
le Magicien.
Lorsque Paul fut venu à Rome, tous les Juifs s’assemblèrent auprès de lui, disant : Défendez notre foi dans laquelle vous êtes né, car il n’est pas juste que vous qui êtes Hébreu, venant des Hébreux, vous vous déclariez le maître des Gentils, et que, devenu le défenseur des incirconcis, vous qui êtes circoncis, vous anéantissez la foi de la circoncision. Lors donc que vous verrez Pierre, entreprenez de disputer contre lui, parce qu’il a anéanti toute l’observation de notre loi ; il a retranché le sabbat et les néoménies (1), et supprimé toutes les fêtes établies par les lois. Paul leur répondit : Vous pourrez éprouver ici que je suis Juif, et vrai Juif, puisque vous pourrez voir que j’observe véritablement le sabbat et la circoncision. Car le jour du sabbat, Dieu se reposa de ses œuvres. Nous avons les pères, et les patriarches, et la loi. Que prêche de tel Pierre dans le royaume des Gentils ? Mais si par hasard il veut introduire quelque nouvelle doctrine, sans trouble, sans envie, et sans bruit, annoncez-lui que nous nous voyions, et je le convaincrai en votre présence. Que si par hasard sa doctrine est munie d’un véritable témoignage, et des livres des Hébreux, il est convenable que nous lui obéissions tous. Comme Paul tenait ces discours et autres semblables, les Juifs allèrent vers Pierre, et lui dirent : Paul vient des Hébreux, il vous prie de venir vers lui, parce que ceux qui l’ont amené disent qu’ils ne peuvent pas lui permettre de voir qui il veut, avant qu’ils le présentent à César. Pierre, entendant ces choses, en eut une grande joie, et se levant aussitôt, il alla vers lui. En se voyant ils pleurèrent de joie, et se tenant très longtemps embrassés, ils se mouillèrent réciproquement de leurs larmes. Et lorsque Paul lui eut rendu compte de toutes ses affaires, et que Pierre lui eut dit quelles embûches lui dressait Simon le magicien, Pierre se retira sur le soir, pour revenir le lendemain matin.
A peine le jour commençait avec l’aurore, que voilà Pierre qui arrive à la porte de Paul, où il trouva une multitude de Juifs. Or il y avait une grande altercation entre les Juifs, les chrétiens, et les Gentils. Car les Juifs disaient : Nous sommes la race choisie, royale, des amis de Dieu, Abraham, Isaac, et Jacob, et tous les prophètes avec lesquels Dieu a parlé, auxquels Dieu a montré ses secrets ; mais vous, Gentils, vous n’avez rien de grand dans votre race, si ce n’est dans les idoles, et souillés par vos figures taillées, vous avez été exécrables. A ces choses, et autres semblables que disaient les Juifs, les Gentils répondaient, disant : Pour nous, aussitôt que nous avons entendu la vérité, nous avons abandonné nos erreurs, et nous l’avons suivie ; mais vous qui avez vu les vertus de vos pères, les sectes, et les signes des prophètes, et avez reçu la loi, et avez passé la mer à pied sec, et avez vu vos ennemis abaissés, et une colonne vous a apparu dans le ciel pendant le jour, et du feu pendant la nuit ; et la manne vous a été donnée du ciel, et les eaux ont coulé pour vous de la pierre ; et après toutes ces choses vous vous êtes fait l’idole d’un veau, et vous avez adoré une figure taillée ; mais nous, sans voir aucun signe, nous avons cru ce Seigneur que vous avez abandonné sans croire en lui. Comme ils disputaient sur ces choses, et autres semblables, l’apôtre Paul leur dit qu’ils ne devaient point avoir ces disputes entre eux, mais plutôt faire attention que le Seigneur avait accompli ses promesses, qu’il avait juré à Abraham notre père que, dans sa race, toutes les nations deviendraient son héritage ; car il n’y a point d’acception de personnes auprès du Seigneur ; que quiconque aurait péché sous la loi serait jugé selon la loi ; et que ceux qui auraient erré sans la loi, périraient sans la loi ; car il y a tant de sainteté dans les sens humains, que la nature loue les bonnes choses, et punit les mauvaises, tandis qu’elle punit jusqu’aux pensées qui s’accusent entre elles, ou récompense celles qui s’excusent.
Comme Paul disait ces choses, et autres semblables, il arriva que les Juifs et les Gentils furent apaisés ; mais les princes des Juifs insistaient. Or Pierre dit à ceux qui le reprenaient de ce qu’il interdisait leurs synagogues : Mes frères, écoutez le Saint-Esprit, qui promit au patriarche David qu’il mettrait sur son siège du fruit de son ventre. C’est donc celui à qui le Père dit du haut des cieux : Vous êtes mon Fils, je vous ai engendré aujourd’hui. C’est celui que les princes des prêtres ont crucifié par envie ; mais pour qu’il accomplît la rédemption nécessaire au siècle, il a permis qu’on lui fît souffrir toutes ces choses, afin que, de même que de la côte d’Adam fut formée Eve, de même du côté du Christ mis en croix fût formée l’Eglise qui n’eût ni tache ni ride. Dieu a ouvert cette entrée à tous les fils d’Abraham, d’Isaac, et de Jacob, afin qu’ils soient dans la foi de l’Eglise, et non dans l’infidélité de la synagogue. Convertissez-vous donc, et entrez dans la joie d’Abraham votre père, parce que ce qu’il lui a promis, il l’a accompli ; aussi le prophète chante-t-il : Le Seigneur a juré, et il ne s’en repentira pas, vous êtes prêtre pour toujours, selon l’ordre de Melchisédech. Car il a été fait prêtre sur la croix, lorsqu’étant hostie, il a offert le sacrifice de son corps et de son sang pour tout le siècle. Pierre et Paul disant ces choses, et autres semblables, la plus grande partie des peuples crut : et il y en eut peu qui, avec une foi feinte, ne pouvaient cependant négliger ouvertement leurs avis ou leurs préceptes. Or les principaux de la synagogue et les pontifes des Gentils voyant que, par leur prédication, leur fin en particulier approchait, ils firent en sorte que leurs discours excitât le murmure du peuple ; d’où il arriva qu’ils firent paraître Simon le magicien devant Néron, et qu’ils les accusèrent. Car tandis que des peuples innombrables se convertissaient au Seigneur par la prédication de Pierre, il arriva que Livie, femme de Néron, et que la femme du gouverneur Agrippa nommée Agrippine, se convertirent aussi, et se retirèrent d’auprès de leurs maris. Or, par la prédication de Paul, plusieurs abandonnant la milice, s’attachaient au Seigneur, de sorte qu’ils venaient même à lui de la chambre du roi ; et étant chrétiens, ils ne voulurent retourner ni à la milice ni au palais. De là Simon, irrité par le murmure séditieux des peuples, se mit à dire beaucoup de mal de Pierre, disant qu’il était un magicien et un séducteur. Or ceux qui admiraient ses signes le croyaient ; car il faisait qu’un serpent d’airain se mouvait, courait et paraissait tout à coup dans l’air. Au contraire, Pierre guérissait les malades par la parole, rendait la vue aux aveugles en priant, faisait fuir les démons à son ordre, et cependant ressuscitait les morts mêmes. Or il disait au peuple non-seulement de fuir sa séduction, mais encore de l’abandonner, de peur qu’ils ne parussent s’accorder avec le diable. Ainsi il arrivait que tous les hommes religieux, ayant Simon en exécration, l’abandonnèrent comme un magicien scélérat, et vantèrent Pierre dans les louanges du Seigneur. Au contraire, tous les scélérats, les railleurs, les séducteurs et les méchants s’attachèrent à Simon, en quittant Pierre comme magicien, ce qu’ils étaient eux-mêmes, puisqu’ils disaient que Simon était Dieu. Et ce discours vint jusqu’à Néron César, et il ordonna que Simon le magicien entrât vers lui ; lequel, étant entré, commença à se tenir debout devant Néron, et à changer tout à coup de figure, de sorte qu’il devenait d’abord enfant, et ensuite vieillard, et à une autre heure jeune homme. Il changeait de sexe et d’âge, et prenait successivement plusieurs figures par le ministère du diable. Ce que voyant Néron, il pensait qu’il était le véritable fils de Dieu : mais l’apôtre Pierre enseignait qu’il était voleur, menteur, magicien, vilain, scélérat, et dans toutes les choses qui sont de Dieu, adversaire de la vérité ; et qu’il ne restait plus rien qu’à faire connaître par l’ordre de Dieu son iniquité devant tout le monde. Alors Simon, étant entré vers Néron, dit : Ecoutez-moi, bon empereur ; je suis le fils de Dieu qui suis descendu du ciel : jusqu’à présent, je souffrais Pierre qui se dit apôtre ; mais à présent le mal est doublé ; car l’on dit que Paul, qui enseigne aussi les mêmes choses, et qui pense contre moi, prêche avec lui : ce qu’il y a de certain, c’est que si vous ne pensez pas à les faire mourir, votre royaume ne pourra pas subsister.
Alors Néron, agité d’inquiétude, ordonna qu’on les lui amenât promptement. Or, le lendemain, comme Simon le magicien, et les apôtres de Christ Pierre et Paul, furent entrés vers Néron, Simon dit : Ce sont là les disciples de ce Nazaréen, qui n’ont pas tant de bonheur que d’être du peuple des Juifs. Néron dit : Qu’est-ce que le Nazaréen ? Simon dit : Il y a une ville dans la Judée, qui a toujours fait contre vous ; elle s’appelle Nazareth et leur maître en était. Néron dit : Dieu avertit tout homme et le chérit. Pourquoi les persécutez-vous ? Simon dit : C’est cette race d’hommes qui ont détourné toute la Judée de me croire. Néron dit à Pierre : Pourquoi êtes-vous si perfides, comme votre race ? Alors Pierre dit à Simon : Vous en avez pu imposer à tous, mais jamais à moi ; et ceux que vous aviez trompés, Dieu les a retirés par moi de votre erreur ; et puisque vous avez éprouvé que vous ne pouvez me surpasser, j’admire de quel front vous vous vantez en présence du roi de surpasser, par votre art magique, les disciples de Christ. Néron dit : Quel est le Christ ? Pierre dit : Celui-là est le Christ qui a été crucifié pour la rédemption du monde ; et ce Simon le magicien affirme que c’est lui qui l’est ; mais il est un homme très méchant, et ses œuvres sont diaboliques. Or, si vous voulez savoir, ô empereur ! ce qui s’est passé en Judée touchant le Christ, envoyez, et prenez les lettres de Ponce Pilate, adressées à Claude César ; et ainsi vous connaîtrez toutes choses. Néron, ayant entendu cela, les fit prendre et lire en sa présence. Or le texte de l’écriture était de cette manière :
1 – Nouvelles lunes.