COLLECTION D’ANCIENS ÉVANGILES - Partie 14
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COLLECTION D’ANCIENS ÉVANGILES
ou
MONUMENTS DU PREMIER SIÈCLE DU CRISTIANISME,
(Partie 14)
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ÉVANGILE DE L’ENFANCE.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit
d’un seul Dieu.
XVI. – Ils y restèrent trois jours, traités avec grande vénération, et reçus avec un splendide appareil. Munis ensuite de provisions pour le voyage, ils les quittèrent, et vinrent dans une autre ville, dans laquelle ils désiraient passer la nuit, parce qu’elle était florissante par la célébrité des hommes. Or il y avait dans cette ville une femme noble, laquelle étant un jour descendue vers le fleuve pour laver, voici que le maudit Satan, en forme de serpent, avait sauté sur elle, et s’était entortillé autour de son ventre, et toutes les nuits il s’étendait sur elle. Cette femme, ayant vu la divine dame Marie et le Seigneur Christ enfant dans son sein, priait la divine dame Marie qu’elle lui remît cet enfant pour le tenir et le baiser ; elle y ayant consenti, et ayant à peine approché l’enfant, Satan s’éloigna d’elle, et fuyant, il la laissa ; et depuis ce jour cette femme ne le vit jamais. Tous les voisins louaient donc le Dieu suprême ; et cette femme les récompensait avec une grande honnêteté.
XVII. – Le jour suivant, la même femme prit de l’eau parfumée pour laver le Seigneur Jésus ; et l’ayant lavé, elle mit à part cette eau chez elle. Il y avait là une jeune fille dont le corps était blanc de lèpre, qui, s’étant arrosée et lavée avec cette eau, fut guérie de sa lèpre depuis ce temps-là. Le peuple disait donc : Il n’y a point de doute que Joseph et Marie et cet enfant ne soient des dieux ; car ils ne paraissaient pas mortels. Or, comme ils se préparaient à partir, cette jeune fille que la lèpre avait infectée, s’approchant, les priait qu’ils la prissent pour compagne de voyage.
XVIII. – Ils y consentaient, et la jeune fille allait avec eux, jusqu’à ce qu’ils vinrent dans une ville dans laquelle était la forteresse d’un grand prince, dont le palais n’était pas loin de l’hôtellerie. Ils y allaient, lorsque la jeune fille les quitta, et étant entrée vers l’épouse du prince, et l’ayant trouvée triste et pleurante, elle lui demandait la cause de ses pleurs. Ne vous étonnez point, dit-elle, de mes sanglots ; car j’éprouve une grande calamité que je n’oserai raconter à personne. Or la jeune fille lui dit : Peut-être que si vous me confiez votre mal secret, le remède s’en trouvera auprès de moi. Tenant donc mon secret caché, répondit l’épouse du prince, vous ne le raconterez à aucun mortel. J’ai été mariée à ce prince qui, comme un roi, à plusieurs terres sous sa domination : ainsi, j’ai longtemps vécu avec lui, et il n’avait point d’enfant de moi. A la fin, je conçus de lui ; mais, hélas ! j’accouchai d’un fils lépreux, qu’il ne reconnut point pour sien lorsqu’il le vit, et il me dit : Ou tuez-le, ou abandonnez-le à quelque nourrice pour être élevé dans un lieu que je n’en entende jamais parler. D’ailleurs, prenez ce qui est à vous, je ne vous verrai jamais plus. Ainsi, je me suis consumée en déplorant mon affliction et ma condition misérable. Hélas ! mon fils ! hélas ! mon époux ! Ne vous ai-je pas dit, reprit la jeune fille, que j’ai trouvé à votre mal un remède dont je vous réponds ? Car j’ai été aussi lépreuse ; mais Dieu, qui est Jésus, fils de la dame Marie, m’a guérie. Or cette femme lui demandant où était ce Dieu dont elle parlait : Il est ici avec vous, dit la jeune fille, dans la même maison. Mais comment, dit-elle, cela se peut-il faire ? Où est-il ? Voici, répliqua la jeune fille, Joseph et Marie. Or l’enfant qui est avec eux s’appelle Jésus, et c’est lui qui a guéri ma maladie et mon affliction. Mais comment, dit-elle, avez-vous été guérie de la lèpre ? ne me l’indiquerez-vous pas ? Pourquoi non ? dit la jeune fille : j’ai pris de l’eau dont son corps avait été lavé, je l’ai versée sur moi, et ma lèpre a disparu. C’est pourquoi l’épouse du prince, se levant, les logea chez elle, et prépara à Joseph un festin splendide dans une nombreuse assemblée. Or, le jour suivant, elle prit de l’eau parfumée pour en laver le Seigneur Jésus, et ensuite de la même eau elle arrosa son fils qu’elle avait pris avec elle, et sur-le-champ son fils fut guéri de sa lèpre. Chantant donc des actions de grâces et des louanges à Dieu : Bienheureuse, dit-elle, est la mère qui vous a enfanté, ô Jésus ! Est-ce ainsi que de l’eau dont votre corps a été lavé vous guérissez les hommes qui participent avec vous à la même nature ? Au reste, elle fit des présents considérables à la dame Marie, et la laissa aller avec un honneur distingué.
XIX. – Etant ensuite arrivés dans une autre ville, ils désiraient y passer la nuit. C’est pourquoi ils entrèrent chez un homme nouvellement marié, mais qui, étant ensorcelé, ne pouvait pas jouir de sa femme ; et lorsqu’ils eurent passé cette nuit, son charme fut levé ; mais au point du jour, comme ils se préparaient à partir, l’époux les en empêcha, et leur prépara un grand festin.
XX. – Etant donc partis le lendemain et approchant d’une nouvelle ville, ils aperçoivent trois femmes qui revenaient d’un certain tombeau en pleurant beaucoup. La divine Marie, les ayant vues, dit à la jeune fille qui l’accompagnait : Allez, et demandez-leur quelle est leur condition, et quelle calamité leur est arrivée. La fille le leur ayant demandé, elles ne répondirent rien, et lui demandèrent à leur tour : D’où êtes-vous, et où allez-vous ? car le jour va finir, et la nuit approche. Nous sommes des voyageurs dit la jeune fille, et nous cherchons une hôtellerie pour y passer la nuit ; elles dirent : Allez avec nous, et passez la nuit chez nous. Les ayant donc suivies, ils furent conduits dans une maison neuve, ornée, et diversement meublée. Or c’était le temps de l’hiver, et la jeune fille étant entrée dans la chambre de ces femmes, les trouva encore qui pleuraient et se lamentaient. Il y avait auprès d’elles un mulet couvert d’une étoffe de soie, ayant un pendant d’ébène à son cou ; elles lui donnaient des baisers, et lui présentaient à manger. Or la jeune fille disant : O mes dames, que ce mulet est beau ! Elles répondirent en pleurant, et dirent : Ce mulet que vous voyez a été notre frère, né de notre même mère que voilà ; et notre père en mourant nous ayant laissé de grandes richesses, comme nous n’avions que ce seul frère, nous lui cherchions un mariage avantageux, désirant lui préparer des noces, suivant l’usage des hommes ; mais des femmes, agitées des fureurs de la jalousie, l’ont ensorcelé à notre insu ; et une certaine nuit, ayant exactement fermé la porte de notre maison un peu avant l’aurore, nous vîmes que notre frère avait été changé en mulet, comme vous le voyez aujourd’hui ; Etant donc tristes, comme vous voyez, parce que nous n’avions point de père pour nous consoler, nous n’avons laissé dans le monde aucun sage, ou mage, ou enchanteur, sans le faire venir ; mais cela ne nous a servi de rien du tout. C’est pourquoi, chaque fois que nos cœurs sont accablés de tristesse, nous nous levons, et nous allons avec notre mère que voilà, auprès du tombeau de notre père, et après que nous y avons pleuré, nous revenons.
XXI. – Ce qu’ayant entendu la jeune fille : Reprenez courage, dit-elle, et cessez vos pleurs ; car le remède de votre douleur est proche, ou plutôt il est avec vous, et au milieu de votre maison. Car j’ai aussi été lépreuse, moi ; mais lorsque je vis cette femme et avec elle ce petit enfant qui se nomme Jésus, j’arrosai mon corps de l’eau dont sa mère l’avait lavé, et je fus guérie. Or je sais qu’il peut aussi remédier à votre mal, c’est pourquoi levez-vous, allez voir madame Marie, et l’ayant conduite dans votre cabinet, découvrez-lui votre secret, la priant humblement qu’elle ait pitié de vous. Après que les femmes eurent entendu le discours de la jeune fille, elles allèrent vite vers la divine dame Marie, et l’ayant introduite chez elles, et s’étant assises devant elle en pleurant, elles lui dirent : O notre dame ! divine Marie ayez pitié de vos servantes ; car il ne nous reste plus ni vieillard ni chef de famille, ni père ni frère, qui entre et sorte en notre présence ; mais ce mulet, que vous voyez, a été notre frère que des femmes, par enchantement, ont rendu tel que vous voyez ; c’est pourquoi nous vous prions que vous ayez pitié de nous. Alors la divine Marie, touchée de leur sort, ayant pris le Seigneur Jésus le mit sur le dos du mulet, et dit à son fils : Hé ! Jésus-Christ, guérissez ce mulet par votre rare puissance, et rendez-lui la forme humaine et raisonnable, telle qu’il l’a eue auparavant. A peine cette parole fut-elle sortie de la bouche de la divine dame Marie, que le mulet, changé tout à coup, reprit la forme humaine, et redevint un jeune homme, sans qu’il lui restât la moindre difformité Alors lui, sa mère, et ses sœurs adoraient la divine dame Marie, et baisaient l’enfant en l’élevant sur leurs têtes, disant : Bienheureuse est votre mère, ô Jésus ! ô Sauveur du monde ! bienheureux sont les yeux qui jouissent du bonheur de vous voir !
XXII. – Au reste, les deux sœurs disaient à leur mère : Certainement notre frère a repris sa première forme par le secours du Seigneur Jésus, et par la bénédiction de cette jeune fille qui nous a fait connaître Marie et son fils. Actuellement donc, comme notre frère est garçon, il est convenable que nous lui donnions en mariage cette jeune fille, leur servante. En ayant fait la demande à la divine Marie, qui la leur accorda, elles préparèrent à cette jeune fille des noces splendides ; et changeant leur tristesse en joie, et leurs pleurs en ris, elles commencèrent à se réjouir, à se divertir, à danser et chanter, après s’être parées de leurs habits et de leurs colliers les plus brillants, à cause de l’excès de leur plaisir. Ensuite, en glorifiant et louant Dieu, elles disaient : O Jésus fils de David, qui changez la tristesse en joie, et les pleurs en ris ! Et Joseph et Marie y demeurèrent dix jours. Ensuite ils partirent, accablés d’honneurs par ces personnes qui, leur ayant dit adieu et s’en étant retournées, versaient des larmes, et plus que les autres, la jeune fille.
XXIII. – Au sortir de là étant arrivés dans une terre déserte, et ayant appris qu’elle était infestée par les voleurs, Joseph et la divine Marie se préparaient à la traverser de nuit. Et en marchant, voilà qu’ils aperçoivent dans le chemin deux larrons endormis, et avec eux une multitude de larrons qui étaient leurs associés, et ronflaient aussi. Et ces deux larrons qu’ils rencontraient, étaient Titus et Dumachus ; et Titus disait à Dumachus : Je vous prie de laisser en aller librement ces gens-là, de peur que nos associés ne les aperçoivent. Or, Dumachus le refusant, Titus lui dit une seconde fois : Prenez ces quarante drachmes, et cette ceinture que je vous donne ; et qu’il lui présentait plus promptement qu’il ne le disait, de peur qu’il n’ouvrît la bouche, ou qu’il ne parlât. Et la divine dame Marie, voyant que ce larron leur faisait du bien, lui dit : Le Seigneur Dieu vous recevra à sa droite, et vous accordera la rémission des péchés. Et le Seigneur Jésus répondit, et dit à sa mère : Après trente ans, ô ma mère, les Juifs me crucifieront à Jérusalem ; et ces deux larrons, en même temps que moi, seront élevés en croix, Titus à ma droite et Dumachus à ma gauche, et depuis ce jour-là Titus me précèdera en paradis. Et lorsqu’elle eut dit, Mon fils que Dieu détourne cela de vous, ils allèrent de là à la ville des idoles, laquelle fut changée en collines de sable lorsqu’ils en eurent approché.
XXIV. – De là ils allèrent à ce Sycomore, qui s’appelle aujourd’hui Matarea, et le Seigneur Jésus produisit à Matarea une fontaine dans laquelle la divine Marie lava sa tunique ; et de la sueur qui y coula du Seigneur Jésus provint le baume dans cette région.
XXV. – Ensuite ils descendirent à Memphis, et ayant vu Pharaon, ils restèrent trois ans en Egypte, et le Seigneur Jésus fit en Egypte plusieurs miracles (qui ne sont écrits ni dans l’Evangile de l’enfance ni dans l’Evangile parfait).
XXVI. – Mais les trois ans étant passés, il sortit d’Egypte, et revint ; et lorsqu’ils approchèrent de la Judée, Joseph craignit d’y entrer, car apprenant qu’Hérode était mort, et que son fils Archélaüs avait succédé à sa place, il eut peur ; et l’ange de Dieu alla en Judée, et lui apparut, et dit : O Joseph ! allez dans la ville de Nazareth, et y demeurez. (Chose étonnante, sans doute, que le maître des contrées fût ainsi porté et promené par les contrées.)
XXVII. – Etant ensuite entrés dans la ville de Bethléem, ils y voyaient des maladies nombreuses et difficiles qui incommodaient les yeux des enfants, de sorte que plusieurs mouraient. Il y avait là une femme ayant un fils malade, qu’elle amena à la divine dame Marie comme il était près de mourir, et qui la regarda lorsqu’elle lavait Jésus-Christ. Cette femme disait : O madame Marie, regardez mon fils qui souffre de cruels tourments. Et la divine Marie l’entendant : Prenez, dit-elle, un peu de cette eau dont j’ai lavé mon fils, et l’en arrosez. Prenant donc un peu de cette eau comme la divine Marie l’avait ordonné, elle en arrosa son fils, qui, lassé d’une violente agitation, s’assoupit ; et lorsqu’il eut un peu dormi, il s’éveilla après, sain et sauf. La mère fut si joyeuse de cet événement, qu’elle alla revoir une seconde fois la divine Marie ; et la divine Marie lui disait : Rendez grâces à Dieu, qui a guéri votre fils.
XXVIII. – Il y avait là une autre femme, voisine de celle dont le fils venait d’être guéri. Comme le fils de celle-ci avait la même maladie, et que ses yeux étaient presque fermés, elle se lamentait jour et nuit. La mère de l’enfant guéri lui dit : Pourquoi ne portez-vous pas votre fils vers la divine Marie, comme j’y ai porté mon fils lorsqu’il était à l’agonie de la mort, qui a été guéri avec l’eau dont le corps de son fils Jésus avait été lavé ? Ce que cette femme ayant appris d’elle, y alla aussi elle-même ; et ayant pris de la même eau, elle en lava son fils, dont le corps et les yeux recouvrèrent leur première santé. La divine Marie ordonna aussi à celle-ci, lorsqu’elle lui apporta son fils et lui raconta cet événement, de rendre grâces à Dieu pour la santé que son fils avait recouvrée, et de ne raconter à qui que ce soit ce qui était arrivé.