LETTRES A S.A. MGR LE PRINCE DE *** - Partie 26

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LETTRES A S.A. MGR LE PRINCE DE *** - Partie 26

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LETTRES A S.A. MGR LE PRINCE DE ***,

 

 

SUR RABELAIS ET SUR D’AUTRES AUTEURS ACCUSÉS

D’AVOIR MAL PARLÉ DE LA RELIGION CHRÉTIENNE.

 

 

 

- Partie 26 -

 

 

 

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DE BARBEYRAC.

 

 

 

 

          Barbeyrac est le seul commentateur dont on fasse plus de cas que de son auteur. Il traduisit et commenta le fratas de Puffendorf ; mais il l’enrichit d’une préface qui fit seule débiter le livre (1). Il remonte, dans cette préface, aux sources de la morale ; et il a la candeur hardie de faire voir que les Pères de l’Eglise n’ont pas toujours connu cette morale pure ; qu’ils l’ont défigurée par d’étranges allégories, comme lorsqu’ils disent que le lambeau de drap rouge exposé à la fenêtre par la cabaretière Rahab est visiblement le sang de Jésus-Christ ; que Moïse étendant les bras pendant la bataille contre les Amalécites est la croix sur laquelle Jésus expire ; que les baisers de la Sunamite sont le mariage de Jésus-Christ avec son Eglise ; que la grande porte de l’arche de Noé désigne le corps humain,  la petite porte désigne l’anus, etc., etc.

 

          Barbeyrac ne peut souffrir, en fait de morale, qu’Augustin devienne persécuteur après avoir prêché la tolérance. Il condamne hautement les injures grossières que Jérôme vomit contre ses adversaires, et surtout contre Rufin et contre Vigilantius. Il relève les contradictions qu’il remarque dans la morale des Pères ; il s’indigne qu’ils aient quelquefois inspiré la haine de la patrie, comme Tertullien, qui défend positivement aux chrétiens de porter les armes pour le salut de l’empire.

 

          Barbeyrac eut de violents adversaires qui l’accusèrent de vouloir détruire la religion chrétienne, en rendant ridicules ceux qui l’avaient soutenue par des travaux infatigables. Il se défendit ; mais il laisse paraître dans sa défense (2) un si profond mépris pour les Pères de l’Eglise ; il témoigne tant de dédain pour leur fausse éloquence et pour leur dialectique ; il leur préfère si hautement Confucius, Socrate, Zaleucus, Cicéron, l’empereur Antonin, Epictète, qu’on voit bien que Barbeyrac est plutôt le zélé partisan de la justice éternelle et de la loi naturelle donnée de Dieu aux hommes, que l’adorateur des saints mystères du christianisme. S’il s’est trompé en pensant que Dieu est le père de tous les hommes, s’il a eu le malheur de ne pas voir que Dieu ne peut aimer  que les chrétiens soumis de cœur et d’esprit, son erreur est du moins d’une belle âme ; et puisqu’il aimait les hommes, ce n’est pas aux hommes à l’insulter ; c’est à Dieu de le juger. Certainement il ne doit pas être mis au nombre des athéistes.

 

 

1 – Barbeyrac (1674-1744) a traduit le Traité du droit de la nature et des gens, et celui des Devoirs des hommes et des citoyens. La préface dont parle Voltaire est intitulée : Introduction à l’histoire générale. (G.A.)

 

2 – Voyez son Traité de la morale des Pères. (G.A.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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