LETTRES A S.A. MGR LE PRINCE DE *** - Partie 21
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LETTRES A S.A. MGR LE PRINCE DE ***,
SUR RABELAIS ET SUR D’AUTRES AUTEURS ACCUSÉS
D’AVOIR MAL PARLÉ DE LA RELIGION CHRÉTIENNE.
- Partie 21 -
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DE SAINT-ÉVREMOND.
On a donné quelques ouvrages contre le christianisme sous le nom de Saint-Evremond, mais aucun n’est de lui. On crut après sa mort faire passer ces dangereux livres à l’abri de sa réputation, parce qu’en effet on trouve dans ses véritables ouvrages plusieurs traits qui annoncent un esprit dégagé des préjugés de l’enfance. D’ailleurs, sa vie épicurienne et sa mort toute philosophique servirent de prétexte à tous ceux qui voulaient accréditer de son nom leurs sentiments particuliers.
Nous avons surtout une Analyse de la religion (1) qui lui est attribuée. C’est un ouvrage qui tend à renverser toute la chronologie et presque tous les faits de la sainte Ecriture. Nul n’a plus approfondi que l’auteur l’opinion où sont quelques théologiens, que l’astronome Phlégon avait parlé des ténèbres qui couvrirent toute la terre à la mort de notre Seigneur Jésus-Christ. J’avoue que l’auteur a pleinement raison contre ceux qui ont voulu s’appuyer du témoignage de cet astronome ; mais il a grand tort de vouloir combattre tout le système chrétien, sous prétexte qu’il a été mal défendu.
Au reste, Saint-Evremond était incapable de ces recherches savantes. C’était un esprit agréable et assez juste ; mais il avait peu de science, nul génie, et son goût était peu sûr : ses Discours sur les Romains lui firent une réputation dont il abusa pour faire les plus plates comédies et les plus mauvais vers dont on ait jamais fatigué les lecteurs, qui n’en sont plus fatigués aujourd’hui, puisqu’ils ne les lisent plus. On peut le mettre au rang des hommes aimables et pleins d’esprit qui ont fleuri dans le temps brillant de Louis XIV, mais non pas au rang des hommes supérieurs. Au reste, ceux qui l’ont appelé athéiste sont d’infâmes calomniateurs (2).
1 – Voyez notre Avertissement sur l’Examen important. Cette même Analyse y est attribuée à Dumarsais, sous le nom duquel elle parut dans le Recueil nécessaire. (G.A.)
2 – Voyez, Siècle de Louis XIV, Catalogue. (G.A.)