LETTRES A S.A. MGR LE PRINCE DE *** - Partie 20
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LETTRES A S.A. MGR LE PRINCE DE ***,
SUR RABELAIS ET SUR D’AUTRES AUTEURS ACCUSÉS
D’AVOIR MAL PARLÉ DE LA RELIGION CHRÉTIENNE.
- Partie 20-
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DE LA MOTHE LE VAYER.
Le sage La Mothe Le Vayer, conseiller d’Etat, précepteur de Monsieur frère de Louis XIV, et qui le fut même de Louis XIV près d’une année, n’essuya pas moins de soupçons que le voluptueux Des-Barreaux. Il y avait encore peu de philosophie en France. Le Traité de la vertu des païens et les Dialogues d’Orasius Tubero lui firent des ennemis. Les jansénistes surtout, qui ne regardaient, après saint Augustin, les vertus des grands hommes de l’antiquité que comme des péchés splendides, se déchaînèrent contre lui. Le comble de l’insolence fanatique est de dire : « Nul n’aura de vertu que nous et nos amis ; Socrate, Confucius, Marc-Aurèle, Epictète, ont été des scélérats, puisqu’ils n’étaient pas de notre communion. » On est revenu aujourd’hui de cette extravagance, mais alors elle dominait. On a rapporté dans un ouvrage curieux qu’un jour, un de ces énergumènes voyant passer La Mothe Le Vayer dans la galerie du Louvre, dit tout haut : Voilà un homme sans religion. Le Vayer, au lieu de le faire punir, se retourna vers cet homme, et lui dit : « Mon ami, j’ai tant de religion, que je ne suis pas de ta religion (1). »
1 – Voyez le Siècle de Louis XIV. (G.A.)