LETTRES A S.A. MGR LE PRINCE DE *** - Partie 12

Publié le par loveVoltaire

LETTRES A S.A. MGR LE PRINCE DE *** - Partie 12

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LETTRES A S.A. MGR LE PRINCE DE ***,

 

 

SUR RABELAIS ET SUR D’AUTRES AUTEURS ACCUSÉS

D’AVOIR MAL PARLÉ DE LA RELIGION CHRÉTIENNE.

 

 

 

- Partie 12-

 

 

 

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DE BOLINGBROKE.

 

 

 

          Milord Bolingbroke a été plus audacieux que Warburton, et de meilleure foi. Il ne cesse de dire dans ses Œuvres philosophiques que les athées sont beaucoup moins dangereux que les théologiens. Il raisonnait en ministre d’Etat qui savait combien de sang les querelles théologiques ont coûté à l’Angleterre ; mais il devait s’en tenir à proscrire la théologie, et non la religion chrétienne dont tout homme d’Etat peut tirer de très grands avantages pour le genre humain, en la resserrant dans ses bornes, si elle les a franchies. On a publié après la mort du lord Bolingbroke quelques-uns de ses ouvrages plus violents encore que son Recueil philosophique (1) ; il y déploie une éloquence funeste. Personne n’a jamais écrit rien de plus fort ; on voit qu’il avait la religion chrétienne en horreur. Il est triste qu’un si sublime génie ait voulu couper par la racine un arbre qu’il pouvait rendre très utile en élaguant ses branches, et en nettoyant sa mousse.

 

          On peut épurer la religion. On commença ce grand ouvrage il y a près de deux cent cinquante années ; mais les hommes ne s’éclairent que par degrés. Qui aurait prévu alors qu’on analyserait les rayons du soleil, qu’on électriserait avec  le tonnerre, et qu’on découvrirait la loi de la gravitation universelle, loi qui préside à l’univers ? Il est temps, selon Bolingbroke, qu’on bannisse la théologie, comme on a banni l’astrologie judiciaire, la sorcellerie, la possession du diable, la baguette divinatoire, la panacée universelle, et les jésuites La théologie n’a jamais servi qu’à renverser les lois et qu’à corrompre les cœurs ; elle seule fait les athées ; car le grand nombre des théologiens qui est assez sensé pour voir le ridicule de cette science chimérique, n’en sait pas assez pour lui substituer une saine philosophie. La théologie, disent-ils, est, selon la signification du mot, la science de Dieu. Or les polissons qui ont profané cette science ont donné de Dieu des idées absurdes ; et de là ils concluent que la Divinité est une chimère, parce que la théologie est chimérique. C’est précisément dire qu’il ne faut ni prendre du quinquina pour la fièvre, ni faire diète dans la pléthore, ni être saigné dans l’apoplexie, parce qu’il y a eu de mauvais médecins ; c’est nier la connaissance du cours des astres, parce qu’il y a eu des astrologues : c’est nier les effets évidents de la chimie, parce que des chimistes charlatans ont prétendu faire de l’or. Les gens du monde, encore plus ignorants que ces petits théologiens, disent : Voilà des bacheliers et des licenciés qui ne croient pas en Dieu ; pourquoi y croirions-nous ? Voilà quelle est la suite funeste de l’esprit théologique. Une fausse science fait les athées ; une vraie science prosterne l’homme devant la Divinité ; elle rend juste et sage celui que l’abus de la théologie a rendu inique et insensé (2).

 

 

 

1 – Voltaire veut parler de l’Examen important qu’il a publié sous le nom de Bolingbroke. (G.A.)

 

2 – Tout cet alinéa est reproduit dans le vingt-quatrième dialogue de l’A. B. C. (G.A.)

 

 

 

 

 

 

 

 

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