POÉSIE - Adieux à la vie
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ADIEUX A LA VIE.
- 1778 -
Adieu ; je vais dans ce pays
D’où ne revint point feu mon père :
Pour jamais adieu, mes amis,
Qui ne me regretterez guère.
Vous en rirez, mes ennemis ;
C’est le requiem ordinaire.
Vous en tâterez quelque jour ;
Et lorsqu’aux ténébreux rivages
Vous irez trouver vos ouvrages,
Vous ferez rire à votre tour.
Quand sur la scène de ce monde
Chaque homme a joué son rôlet,
En partant il est à la ronde
Reconduit à coups de sifflet.
Dans leur dernière maladie
J’ai vu des gens de tous états,
Vieux évêques, vieux magistrats,
Vieux courtisans à l’agonie :
Vainement en cérémonie
Avec sa clochette arrivait
L’attirail de la sacristie,
Le curé vainement oignait
Notre vieille âme à sa sortie ;
Le public malin s’en moquait ;
La satire un moment parlait
Des ridicules de sa vie
Puis à jamais on l’oubliait ;
Ainsi la farce était finie.
Le purgatoire ou le néant
Terminait cette comédie.
Petits papillons d’un moment,
Invisibles marionnettes,
Qui volez si rapidement
De Polichinelle au néant,
Dites-moi donc ce que vous êtes !
Au terme où je suis parvenu,
Quel mortel est le moins à plaindre ?
C’est celui qui ne sait rien craindre,
Qui vit et qui meurt inconnu.