EXAMEN IMPORTANT DE MILORD BOLINGBROKE - Partie 36

Publié le par loveVoltaire

EXAMEN IMPORTANT DE MILORD BOLINGBROKE - Partie 36

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EXAMEN IMPORTANT DE MILORD BOLINGBROKE

ou

LE TOMBEAU DU FANATISME.

 

 

 

(Partie 36)

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE XXXIV.

 

 

 

Des chrétiens jusqu’à Théodose.

 

 

 

 

        Après la mort de Julien, les ariens et les athanasiens, dont il avait réprimé la fureur, recommencèrent à troubler tout l’empire. Les évêques des deux partis ne furent plus que des chefs de séditieux. Des moines fanatiques sortirent des déserts de la Thébaïde pour souffler le feu de la discorde, ne parlant que de miracles extravagants, tels qu’on les trouve dans l’histoire des papas du désert, insultant les empereurs, et montrant de loin ce que devaient être un jour des moines.

 

        Il y eut un empereur sage qui, pour éteindre, s’il se pouvait, toutes ces querelles, donna une liberté entière de conscience, et la prit pour lui-même ; ce fut Valentinien Ier. De son temps, toutes les sectes vécurent au moins quelques années dans une paix extérieure, se bornant à s’anathématiser sans s’égorger ; païens, juifs, athanasiens, ariens, macédoniens, donatistes, cyprianistes, manichéens, apollinaristes, tous furent étonnés de leur tranquillité. Valentinien apprit à tous ceux qui sont nés pour gouverner que si deux sectes déchirent un Etat, trente sectes tolérées laissent l’Etat en repos.

 

       Théodose ne pensa pas ainsi, et fut sur le point de tout perdre : il fut le premier qui prit parti pour les athanasiens, et il fit renaître la discorde par son intolérance. Il persécuta les païens, et les aliéna. Il se crut alors obligé de donner lâchement des provinces entières aux Goths, sur la rive droite du Danube ; et par cette malheureuse précaution, prise contre ses peuples, il prépara la chute de l’empire romain.

 

         Les évêques, à l’imitation de l’empereur, s’abandonnèrent à la fureur de la persécution. Il y avait un tyran qui, ayant détrôné et assassiné un collègue de Théodose, nommé Gratien, s’était rendu maître de l’Angleterre, des Gaules, et de l’Espagne. Je ne sais quel Priscillien en Espagne, ayant dogmatisé comme tant d’autres, et ayant dit que les âmes étaient des émanations de Dieu, quelques évêques espagnols, qui ne savaient pas plus que Priscillien d’où venaient les âmes, le déférèrent, lui et ses principaux sectateurs, au tyran Maxime. Ce monstre, pour faire sa cour aux évêques, dont il avait besoin pour se maintenir dans son usurpation, fit condamner à mort Priscillien et sept de ses partisans. Un évêque, nommé Itace, fut assez barbare pour leur faire donner la question en sa présence (1). Le peuple, toujours sot et toujours cruel quand on lâche la bride à sa superstition, assomma dans Bordeaux, à coups de pierres, une femme de qualité qu’on disait d’être priscillianiste.

 

        Ce jugement de Priscillien est plus avéré que celui de tous les martyrs, dont les chrétiens avaient fait tant de bruit sous les premiers empereurs. Les malheureux croyaient plaire à Dieu en se souillant des crimes dont ils s’étaient plaints. Les chrétiens, depuis ce temps, furent comme des chiens qu’on avait mis en curée ; ils furent avides de carnage, non pas en défendant l’empire, qu’ils laissèrent envahir par vingt nations barbares, mais en persécutant tantôt les sectateurs de l’antique religion romaine, et tantôt leurs frères qui ne pensaient pas comme eux.

 

Y a-t-il rien de plus horrible et de plus lâche que l’action des prêtres de l’évêque Cyrille, que les chrétiens appellent saint Cyrille ? Il y avait dans Alexandrie une fille célèbre par sa beauté et par son esprit ; son nom était Hypatie. Elevée par le philosophe Théon, son père, elle occupait en 415 la chaire qu’il avait eue, et fut applaudie pour sa science autant qu’honorée pour ses mœurs ; mais elle était païenne. Les dogues tonsurés de Cyrille, suivis d’une troupe de fanatiques, l’assaillirent dans la rue lorsqu’elle revenait de dicter ses leçons, la traînèrent par les cheveux, la lapidèrent, et la brûlèrent, sans que Cyrille le saint leur fît la plus légère réprimande, et sans que Théodose le Jeune et la dévote Pulchérie, sa sœur, qui le gouvernait et partageait l’empire avec lui, condamnassent cet excès d’inhumanité. Un tel mépris des lois en cette circonstance eût paru moins étonnant sous le règne de leur aïeul Théodose Ier, qui s’était souillé si lâchement du sang des peuples de Thessalonique (2).

 

 

 

 

1 – Comparez de Potter, Epoque I, liv. VIII, ch. II. (G.A.)

 

2 – Rien ne caractérise mieux les prêtres du christianisme que les louanges prodiguées par eux si longtemps à Théodose et à Constantin. Il est certain que ce Théodose, surnommé le Grand, et quelquefois le Saint, était un des plus méchants hommes qui eussent gouverné l’empire romain ; puisque, après avoir promis une amnistie entière pendant six mois aux citoyens de Thessalonique, ce Cantabre, aussi perfide que cruel, invita, en 390, ces citoyens à des jeux publics, dans lesquels il fit égorger hommes, femmes, enfants, sans qu’il en réchappât un seul. Peut-on n’être pas saisi de la plus violente indignation contre les panégyristes de ce barbare, qui s’extasient sur sa pénitence ? Il fut vraiment, disent-ils, plusieurs mois sans entendre la messe. N’est-ce pas insulter à l’humanité entière que d’oser parler d’une telle satisfaction ? Si les auteurs des massacres d’Irlande avaient passé six mois sans entendre la messe, auraient-ils bien expié leurs crimes ? En est-on quitte pour ne point assister à une cérémonie aussi idolâtre que ridicule, lorsqu’on est souillé du sang de sa patrie ?

 

Quant à Constantin, je suis de l’avis du consul Ablavius, qui déclara que Constantin était un Néron. (Voltaire.) (1771)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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