EXAMEN IMPORTANT DE MILORD BOLINGBROKE - Partie 26
PAPAPOUSS va prendre des risques ...
EXAMEN IMPORTANT DE MILORD BOLINGBROKE
ou
LE TOMBEAU DU FANATISME.
(Partie 26)
CHAPITRE XXIV.
D’Irénée.
Irénée, à la vérité, n’a ni science, ni philosophie, ni éloquence ; il se borne presque toujours à répéter ce que disaient Justin, Tertullien, et les autres ; il croit avec eux, que l’âme est une figure légère et aérienne ; il est persuadé du règne de mille ans dans une nouvelle Jérusalem descendue du ciel en terre. On voit dans son cinquième livre, ch. XXXIII, quelle énorme quantité de farine produira chaque grain de blé, et combien de futailles il faudra pour chaque grappe de raisin dans cette belle ville (1) ; il attend l’antéchrist au bout de ces mille années, et explique merveilleusement le chiffre 666, qui est la marque de la bête. Nous avouons qu’en tout cela il ne diffère point des autres Pères de l’Eglise.
Mais une chose assez importante, et qu’on n’a peut-être pas assez relevée, c’est qu’il assure que Jésus est mort à cinquante ans passés, et non pas à trente et un, ou à trente-trois, comme on peut l’inférer des Evangiles.
Irénée (2) atteste les Evangiles pour garant de cette opinion ; il prend à témoin tous les vieillards qui ont vécu avec Jean et avec les autres apôtres ; il déclare positivement qu’il n’y a que ceux qui sont venus trop tard pour connaître les apôtres, qui puissent être d’une opinion contraire. Il ajoute même, contre sa coutume, à ces preuves de fait un raisonnement assez concluant.
L’Evangile de Jean fait dire à Jésus : « Votre père Abraham a été exalté pour voir mes jours ; il les a vus, et il s’en est bien réjoui : « et les Juifs lui répondirent : « Es-tu fou ? tu n’as pas encore cinquante ans, et tu te vantes d’avoir vu notre père Abraham ? »
Irénée conclut de là que Jésus était près de sa cinquantième, quand les Juifs lui parlaient ainsi. En effet, si ce Jésus avait été alors âgé de trente années au plus, on ne lui aurait pas parlé de cinquante années. Enfin, puisque Irénée appelle en témoignage tous les Evangiles et tous les vieillards qui avaient ces écrits entre les mains, les Evangiles de ce temps-là n’étaient donc pas ceux que nous avons aujourd’hui. Ils ont été altérés comme tant d’autres livres. Mais puisqu’on les changea, on devait donc les rendre un peu plus raisonnables.
1 – Chaque cep produisait dix mille grappes ; chaque grappe, dix mille raisins ; chaque raisin, dix mille amphores. (Voltaire.) (1771) – Dans sa Jérusalem on goûtera aussi tous les plaisirs des sens « Les jeunes filles y jouiront de la société des jeunes garçons : les vieillards jouiront également, et leurs chagrins se convertiront en plaisirs. » (G.A.)
2 – Irénée, liv. II, ch. XXII, édit. De Paris, 1710. (Voltaire.)