SIÈCLE DE LOUIS XIV - Chapitre XXI - Suite des disgrâces de la France et de l'Espagne - Partie 2
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SIÈCLE DE LOUIS XIV
PAR
VOLTAIRE
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- Partie 2 -
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CHAPITRE XXI.
Suite des disgrâces de la France et de l’Espagne.
Louis XIV envoie son principal ministre demander
en vain la paix. Bataille de Malplaquet perdue, etc.
Tandis que les affaires de la France devenaient de jour en jour plus mauvaises, le roi crut qu’en faisant paraître le duc de Bourgogne, son petit-fils, à la tête des armées de Flandre, la présence de l’héritier présomptif de la couronne ranimerait l’émulation, qui commençait trop à se perdre. Ce prince, d’un esprit ferme et intrépide, était pieux, juste, et philosophe. Il était fait pour commander à des sages. Elève de Fénelon, archevêque de Cambrai, il aimait ses devoirs : il aimait les hommes ; il voulait les rendre heureux. Instruit dans l’art de la guerre, il regardait cet art plutôt comme le fléau du genre humain et comme une nécessité malheureuse, que comme une source de véritable gloire. On opposa ce prince philosophe au duc de Marlborough : on lui donna pour l’aider le duc de Vendôme (1). Il arriva ce qu’on ne voit que trop souvent : le grand capitaine ne fut pas assez écouté, et le conseil du prince balança souvent les raisons du général. Il se forma deux partis ; et dans l’armée des alliés il n’y en avait qu’un, celui de la cause commune. Le prince Eugène était alors sur le Rhin ; mais toutes les fois qu’il fut avec Marlborough, ils n’eurent jamais qu’un sentiment.
Le duc de Bourgogne était supérieur en forces ; la France, que l’Europe croyait épuisée, lui avait fourni une armée de près de cent mille hommes, et les alliés n’en avaient alors que quatre-vingt mille. Il avait encore l’avantage des négociations dans un pays si longtemps espagnol, fatigué de garnisons hollandaises, et où beaucoup de citoyens penchaient pour Philippe V. Des intelligences lui ouvrirent les portes de Gand et d’Ypres : mais les manœuvres de guerre firent évanouir le fruit des manœuvres de politique. La division qui mettait de l’incertitude dans le conseil de guerre, fit que d’abord on marcha vers la Dandre, et que deux heures après on rebroussa vers l’Escaut, à Oudenarde : ainsi on perdit du temps. On trouva le prince Eugène et Marlborough qui n’en perdaient point, et qui étaient unis. (11 juillet 1708) On fut mis en déroute vers Oudenarde : ce n’était pas une grande bataille, mais ce fut une fatale retraite. Les fautes se multiplièrent. Les régiments allaient où ils pouvaient, sans recevoir aucun ordre. Il y eut même plus de quatre mille hommes qui furent pris en chemin, par l’armée ennemie, à quelques milles du champ de bataille.
L’armée, découragée, se retira sans ordre sous Gand, sous Tournai, sous Ypres, et laissa tranquillement le prince Eugène, maître du terrain, assiéger Lille avec une armée moins nombreuse.
Mettre le siège devant une ville aussi grande et aussi fortifiée que Lille, sans être maître de Gand, sans pouvoir tirer ses convois que d’Ostende, sans les pouvoir conduire que par une chaussée étroite, au hasard d’être à tout moment surpris, c’est ce que l’Europe appela une action téméraire, mais que la mésintelligence et l’esprit d’incertitude qui régnaient dans l’armée française rendirent excusable ; c’est enfin ce que le succès justifia. Leurs grands convois, qui pouvaient être enlevés, ne le furent point. Les troupes qui les escortaient, et qui devaient être battues par un nombre supérieur, furent victorieuses. L’armée du duc de Bourgogne, qui pouvait attaquer les retranchements de l’armée ennemie, encore imparfaits, ne les attaqua pas. (23 octobre 1708) Lille fut prise, au grand étonnement de toute l’Europe, qui croyait le duc de Bourgogne plus en état d’assiéger Eugène et Marlborough, que ces généraux en état d’assiéger Lille. Le maréchal de Boufflers la défendit pendant près de quatre mois.
Les habitants s’accoutumèrent tellement au fracas du canon et à toutes les horreurs qui suivent un siège, qu’on donnait dans la ville des spectacles aussi fréquentés qu’en temps de paix et qu’une bombe qui tomba près de la salle de la comédie n’interrompit point le spectacle.
Le maréchal de Boufflers avait mis si bon ordre à tout, que les habitants de cette grande ville étaient tranquilles sur la foi de ses fatigues. Sa défense lui mérita l’estime des ennemis, les cœurs des citoyens, et les récompenses du roi. Les historiens, ou plutôt les écrivains de Hollande, qui ont affecté de le blâmer, auraient dû se souvenir que quand on contredit la voix publique, il faut avoir été témoin, et témoin éclairé, ou prouver ce qu’on avance (2).
Cependant l’armée qui avait regardé faire le siège de Lille se fondait peu à peu ; elle laissa prendre ensuite Gand, Bruges, et tous ses postes l’un après l’autre. Peu de campagnes furent aussi fatales. Les officiers attachés au duc de Vendôme reprochaient toutes ces fautes au conseil du duc de Bourgogne, et ce conseil rejetait tout sur le duc de Vendôme. Les esprits s’aigrissaient par le malheur. Un (3) courtisan du duc de Bourgogne dit un jour au duc de Vendôme : « Voilà ce que c’est que de n’aller jamais à la messe ; aussi vous voyez quelle sont nos disgrâces. » « Croyez-vous, lui répondit le duc de Vendôme, que Marlborough y aille plus souvent que moi (4) ? » Les succès rapides des alliés enflaient le cœur de l’empereur Joseph. Despotique dans l’empire, maître de Landau, il voyait le chemin de Paris presque ouvert par la prise de Lille. Déjà même un parti hollandais avait eu la hardiesse de pénétrer de Courtrai jusque auprès de Versailles, et avait enlevé, sur le pont de Sèvres, le premier écuyer du roi, croyant se saisir de la personne du dauphin, père du duc de Bourgogne (5). La terreur était dans Paris.
L’empereur avait autant d’espérance au moins d’établir son frère Charles en Espagne, que Louis XIV d’y conserver son petit-fils. Déjà cette succession, que les Espagnols avaient voulu rendre indivisible, était partagée entre trois têtes. L’empereur avait pris pour lui la Lombardie et le royaume de Naples. Charles, son frère, avait encore la Catalogne et une partie de l’Aragon. L’empereur força alors le pape Clément XI à reconnaître l’archiduc pour roi d’Espagne. Ce pape, dont on disait qu’il ressemblait à saint Pierre, parce qu’il affirmait, niait, se repentait, et pleurait, avait toujours reconnu Philippe V, à l’exemple de son prédécesseur ; et il était attaché à la maison de Bourbon. L’empereur l’en punit, en déclarant dépendants de l’empire beaucoup de fiefs qui relevaient jusque alors des papes, et surtout Parme et Plaisance, en ravageant quelques terres ecclésiastiques, en se saisissant de la ville de Comacchio.
Autrefois un pape eût excommunié tout empereur qui lui aurait disputé le droit le plus léger ; et cette excommunication eût fait tomber l’empereur du trône : mais la puissance des clefs étant réduite à peu près au point où elle doit l’être, Clément XI, anima par la France, avait osé un moment se servir de la puissance du glaive. Il arma et s’en repentit bientôt. Il vit que les Romains, sous un gouvernement tout sacerdotal, n’étaient pas faits pour manier l’épée. Il laissa Comacchio en dépôt à l’empereur ; il consentit à écrire à l’archiduc : A notre très cher fils, roi catholique en Espagne. Une flotte anglaise dans la Méditerranée, et les troupes allemandes sur ses terres, le forcèrent bientôt d’écrire : A notre très cher fil, roi des Espagne. Ce suffrage du pape, qui n’était rien dans l’empire d’Allemagne, pouvait quelque chose sur le peuple espagnol, à qui on avait fait accroire que l’archiduc était indigne de régner, parce qu’il était protégé par des hérétiques, qui s’étaient emparés de Gibraltar.
(Août 1708) Restait à la monarchie espagnole, au-delà du continent, l’île de Sardaigne, avec celle de Sicile. Une flotte anglaise donna la Sardaigne à l’empereur Joseph ; car les Anglais voulaient que l’archiduc son frère n’eût que l’Espagne. Leurs armes faisaient alors les traités de partage. Ils réservèrent la conquête de la Sicile pour un autre temps, et aimèrent mieux employer leurs vaisseaux à chercher sur les mers les galions de l’Amérique, dont ils prirent quelques-uns, qu’à donner à l’empereur de nouvelles terres.
La France était aussi humiliée que Rome, et plus en danger ; les ressources s’épuisaient ; le crédit était anéanti ; les peuples, qui avaient idolâtré leur roi dans ses prospérités, murmuraient contre Louis XIV malheureux.
Des partisans, à qui le ministre avait vendu la nation pour quelque argent comptant, dans ses besoins pressants, s’engraissaient du malheur public, et insultaient à ce malheur par leur luxe. Ce qu’ils avaient prêté était dissipé. Sans l’industrie hardie de quelques négociants, et surtout de ceux de Saint-Malo, qui allèrent au Pérou, et rapportèrent trente millions, dont ils prêtèrent la moitié à l’Etat, Louis XIV n’aurait pas eu de quoi payer ses troupes. La guerre avait ruiné la France, et des marchands la sauvèrent. Il en fut de même en Espagne. Les galions qui ne furent pas pris par les Anglais servirent à défendre Philippe. Mais cette ressource de quelques mois ne rendait pas les recrues de soldats plus faciles. Chamillart, élevé au ministère des finances et de la guerre, se démit, en 1708, des finances, qu’il laissa dans un désordre que rien ne put réparer sous ce règne ; et en 1709, il quitta le ministère de la guerre, devenu non moins difficile que l’autre. On lui reprochait beaucoup de fautes. Le public, d’autant plus sévère qu’il souffrait, ne songeait pas qu’il y a des temps malheureux où les fautes sont inévitables (6). Voisin, qui, après lui, gouverna l’état militaire, et Desmarets, qui administra les finances, ne purent ni faire des plans de guerre plus heureux, ni rétablir un crédit anéanti (7).
(1709) Le cruel hiver de 1709 acheva de désespérer la nation. Les oliviers, qui sont une grande ressource dans le midi de la France, périrent. Presque tous les arbres fruitiers gelèrent. Il n’y eut point d’expérience de récolte (8). On avait très peu de magasins. Les grains qu’on pouvait faire venir à grands frais des Echelles du Levant et de l’Afrique pouvaient être pris par les flottes ennemies, auxquelles on n’avait presque plus de vaisseaux de guerre à opposer (9). Le fléau de cet hiver était général dans l’Europe ; mais les ennemis avaient plus de ressources. Les Hollandais surtout, qui ont été si longtemps les facteurs des nations, avaient assez de magasins pour mettre les armées florissantes des alliés dans l’abondance, tandis que les troupes de France, diminuées et découragées, semblaient devoir périr de misère.
Le roi vendit pour quatre cent mille francs de vaisselle d’or. Les plus grands seigneurs envoyèrent leur vaisselle d’argent à la Monnaie. On ne mangea dans Paris que du pain bis pendant quelques mois. Plusieurs familles, à Versailles même, se nourrirent de pain d’avoine. Madame de Maintenon en donna l’exemple (10).
Louis XIV, qui avait déjà fait quelques avances pour la paix, n’hésita pas, dans ces circonstances funestes, à la demander à ces mêmes Hollandais, autrefois si maltraités par lui.
Les états généraux n’avaient plus de stathouder depuis la mort du roi Guillaume, et les magistrats hollandais, qui appelaient déjà leurs familles les familles patriciennes, étaient autant de rois. Les quatre commissaires hollandais députés à l’armée traitaient avec fierté trente princes d’Allemagne à leur solde. Qu’on fasse venir Holstein, disaient-ils ; qu’on dise à Hesse de nous venir parler (11). Ainsi s’expliquaient des marchands qui, dans la simplicité de leurs vêtements et dans la frugalité de leurs repas, se plaisaient à écraser à la fois l’orgueil allemand, qui était à leurs gages, et la fierté d’un grand roi, autrefois leur vainqueur.
On les avait vus vendre à bas prix leur attachement à Louis XIV en 1655 ; soutenir leurs malheurs en1672, et les réparer avec un courage intrépide ; et alors ils voulaient user de leur fortune. Ils étaient bien loin de s’en tenir à faire voir aux hommes, par de simples démonstrations de supériorité, qu’il n’y a de vraie grandeur que la puissance : ils voulaient que leur Etat eût en souveraineté dix villes en Flandre, entre autres Lille qui était entre leurs mains, et Tournai qui n’y était pas encore. Ainsi, les Hollandais, prétendaient retirer le fruit de la guerre, non-seulement aux dépens de la France, mais encore aux dépens de l’Autriche, pour laquelle ils combattaient, comme Venise avait autrefois augmenté son territoire des terres de tous ses voisins. L’esprit républicain est au fond aussi ambitieux que l’esprit monarchique.
Il y parut bien quelques mois après ; car, lorsque ce fantôme de négociation fut évanoui, lorsque les armes des alliés eurent encore de nouveaux avantages, le duc de Marlborough, plus maître alors que sa souveraine en Angleterre, et gagné par la Hollande, fit conclure avec les états généraux, en 1709, ce célèbre traité de la barrière, par lequel ils resteraient maîtres de toutes les villes frontières qu’on prendrait sur la France, auraient garnison dans vingt places de la Flandre, aux dépens du pays, dans Huy, dans Liège, et dans Bonn ; et auraient en toute souveraineté la Haute-Gueldre. Ils seraient devenus en effet souverains des dix-sept provinces des Pays-Bas ; ils auraient dominé dans Liège et dans Cologne. C’est ainsi qu’ils voulaient s’agrandir sur les ruines mêmes de leurs alliés. Ils nourrissaient déjà ces projets élevés, quand le roi leur envoya secrètement le président Rouillé pour essayer de traiter avec eux.
Ce négociateur vit d’abord dans Anvers deux magistrats d’Amsterdam, Bruys, et Vanderdussen, qui parlèrent en vainqueurs, et qui déployèrent, avec l’envoyé du plus fier des rois, toute la hauteur dont ils avaient été accablés en 1672. On affecta ensuite de négocier quelque temps avec lui, dans un de ces villages que les généraux de Louis XIV avaient mis autrefois à feu et à sang (12). Quand on l’eut joué assez longtemps, on lui déclara qu’il fallait que le roi de France forçât le roi son petit-fils à descendre du trône sans aucun dédommagement ; que l’électeur de Bavière François-Marie, et son frère l’électeur de Cologne, demandassent grâce, ou que le sort des armes ferait les traités.
Les dépêches désespérantes du président de Rouillé arrivaient coup sur coup au conseil, dans le temps de la plus déplorable misère où le royaume eût été réduit dans les temps les plus funestes. L’hiver de 1709 laissait des traces affreuses ; le peuple périssait de famine. Les troupes n’étaient point payées ; la désolation était partout. Les gémissements et les terreurs du public augmentaient encore le mal.
Le conseil était composé du dauphin, du duc de Bourgogne son fils, du chancelier de France Pontchartrain, du duc de Beauvilliers, du marquis de Corcy, du secrétaire d’Etat de la guerre Chamillart, et du contrôleur général Desmarets. Le duc de Beauvilliers fit une peinture si touchante de l’état où la France était réduite, que le duc de Bourgogne en versa des larmes, et tout le conseil y mêla les siennes. Le chancelier conclut à faire la paix à quelque prix que ce pût être. Les ministres de la guerre et des finances avouèrent qu’ils étaient sans ressource. « Une scène si triste, dit le marquis de Torcy, serait difficile à décrire, quand même il serait permis de révéler le secret de ce qu’elle eut de plus touchant. » Ce secret n’était que celui des pleurs qui coulèrent.
Le marquis de Torcy, dans cette crise, proposa d’aller lui-même partager les outrages qu’on faisait au roi dans la personne du président Rouillé : mais comment pouvait-il espérer d’obtenir ce que les vainqueurs avaient déjà refusé ? Il ne devait s’attendre qu’à des conditions plus dures.
Les alliés commençaient déjà la campagne. Torcy va sous un nom emprunté jusque dans La Haye (22 mai 1709). Le grand pensionnaire Heinsius est bien étonné quand on lui annonce que celui qui est regardé chez les étrangers comme le principal ministre de France est dans son antichambre, Heinsius avait été autrefois envoyé en France par le roi Guillaume, pour y discuter ses droits sur la principauté d’Orange. Il s’était adressé à Louvois, secrétaire d’Etat ayant le département du Dauphiné, sur la frontière duquel Orange est située. Le ministre de Guillaume parla vivement, non-seulement pour son maître, mais pour les réformés d’Orange. Croirait-on que Louvois lui répondit qu’il le ferait mettre à la Bastille (13) ? Un tel discours tenu à un sujet eût été odieux ; tenu à un ministre étranger, c’est un insolent outrage au droit des nations. On peut juger s’il avait laissé des impressions profondes dans le cœur du magistrat d’un peuple libre.
1 – « L’eau et le feu n’étaient pas plus différents et plus incompatibles que l’étaient Mgr le duc de Bourgogne et M. de Vendôme, » dit Saint-Simon. (G.A.)
2 – Telle est l’histoire qu’un libraire, nommé Van Duren, fit écrire par le jésuite La Motte, réfugié en Hollande sous le nom de La Hode, continuée par La Martinière ; le tout sur les prétendus Mémoires d’un comte de …, secrétaire d’Etat. Les Mémoires de madame de Maintenon, encore plus remplis de mensonges, disent, tome IV, page 119, que les assiégeants jetaient dans la ville des billets conçus en ces termes : « Rassurez-vous, Français, la Maintenon ne sera pas votre reine ; nous ne lèverons pas le siège. On croira, ajoute-t-il, que Louis, dans la ferveur du plaisir que lui donnait la certitude d’une victoire inattendue, offrit ou promit le trône à madame de Maintenon. » Comment, dans la ferveur de l’impertinence, peut-on mettre sur le papier ces nouvelles et ces discours des halles ? comment cet insensé a-t-il pu pousser l’effronterie jusqu’à dire que le duc de Bourgogne trahit le roi son grand-père, et fit prendre Lille par le prince Eugène, de peur que madame de Maintenon ne fût déclarée reine ? (Voltaire.)
3 – Le marquis d’O. (Voltaire.)
4 – Le duc de Bourgogne, que Voltaire s’est avisé plus haut, par respect pour son maître Fénelon sans doute, d’appeler philosophe, menait à l’armée une vie de séminariste, et s’amusait à des jeux de femme. Se trouvant logé dans un couvent de religieuses, il demande à Fénelon s’il n’y a pas là péché ; et Fénelon, à ce scrupule, de s’écrier : « Oh ! que cet état plaît à Dieu ! » (G.A.)
5 – Ce furent des officiers au service de Hollande qui firent ce coup hardi. Presque tous étaient des Français que la révocation fatale de l’édit de Nantes avait forcés de choisir une nouvelle patrie ; ils prirent la chaise du marquis de Beringhen pour celle du dauphin, parce qu’elle avait l’écusson de France. L’ayant enlevé, ils le firent monter à cheval ; mais comme il était âgé et infirme, ils eurent la politesse en chemin de lui chercher eux-mêmes une chaise de poste. Cela consuma du temps. Les pages du roi coururent après eux, le premier écuyer fut délivré ; et ceux qui l’avaient enlevé furent prisonniers eux-mêmes : quelques minutes plus tard ils auraient pris le dauphin, qui arrivait après Beringhen avec un seul garde. (Voltaire.)
6 – L’histoire de l’ex-jésuite La Motte rédigée par La Martinière, dit que Chamillart fut destitué du ministère des finances en 1703, et que la voix publique y appela le maréchal d’Harcourt. Les fautes de cet historien sont sans nombre. (Voltaire.)
7 – Pour bien juger Desmarets, il faut lire le mémoire qu’il présenta au régent pour lui rendre compte de son administration : ce mémoire fait regretter que ce prince ne l’ait pas laissé à la tête des finances. (K.)
8 – Le froid commença la veille des Rois et continua jusqu’au 22, jour où il y eut dégel. Mais le froid ayant repris avec une nouvelle rigueur (16 et 18), la terre, saturée d’eau, gela à deux pieds de profondeur. A Paris et aux environs, plus de trente mille personnes périrent de froid. Voir Bonnemère, la France sous Louis XIV. (G.A.)
9 – On fit du pain de disette avec de l’orge et de l’avoine. On en fit avec des fougères, du chiendent, du chou-navet, etc. Enfin, on mangea de l’herbe et des écorces. Les valets des châteaux royaux mendiaient dans Versailles. Voir Bonnemère, la France sous Louis XIV. (G.A.)
10 – On fit venir de Dantzig, de l’Archipel, des côtes de Barbarie, cent vingt mille quintaux de grains. Mais on accaparait. (G.A.)
11 – C’est ce que l’auteur tient de la bouche de vingt personnes qui les entendirent parler ainsi à Lille, après la prise de cette ville. Cependant il se peut que ces expressions fussent moins l’effet d’une fierté grossière que d’un style laconique assez en usage dans les armées. (Voltaire.)
12 – Bodegrave. (G.A.)
13 – Voyez les Mémoires de Torcy, tome III, page 2 ; ils ont confirmé tout ce qui est avancé ici.