THÉÂTRE - IRÈNE - Partie 7
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IRÈNE.
- Partie 7 -
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SCÈNE VIII.
IRÈNE.
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IRÈNE.
Que vais-je devenir ? comment échapperai-je
Au précipice horrible, au redoutable piége,
Où mes pas égarés sont conduits malgré moi ?
Mon amant a tué mon époux et mon roi ;
Et sur son corps sanglant cette main forcenée
Ose allumer pour moi le flambeau d’hyménée ?
Il veut que cette bouche, aux marches de l’autel,
Jure à son meurtrier un amour éternel !
Oui, grand Dieu, je l’aimais ; et mon âme égarée
De ce poison fatal est encore enivrée.
Que voulez-vous de moi, dangereux Alexis ?
Amant que j’abandonne, amant que je chéris,
Me forcez-vous au crime, et voulez-vous encore
Etre plus mon tyran que ne fut Nicéphore ?
ACTE QUATRIÈME.
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SCÈNE I.
IRÈNE, ZOÉ.
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ZOÉ.
Quoi ! vous n’avez osé, timide et confondue,
D’un père et d’un amant soutenir l’entrevue !
Ah ! madame ! en secret auriez-vous pu sentir
De ce départ fatal un juste repentir ?
IRÈNE.
Moi !
ZOÉ.
Souvent le danger dont on bravait l’image,
Au moment qu’il approche, étonne le courage :
La nature s’effraie ; et nos secrets penchants
Se réveillent dans nous, plus forts et plus puissants.
IRÈNE.
Non, je n’ai point changé ; je suis toujours la même ;
Je m’abandonne entière à mon père qui m’aime.
Il est vrai, je n’ai pu, dans ce fatal moment,
Soutenir les regards d’un père et d’un amant ;
Je ne pouvais parler : tremblante, évanouie,
Le jour se refusait à ma vue obscurcie ;
Mon sang s’était glacé ; sans force et sans secours,
Je touchais à l’instant qui finissait mes jours.
Rendrai-je grâce aux mains dont je suis secourue ?
Soutiendrai-je la vie, hélas ! qu’on m’a rendue ?
Si Léonce paraît, je sens couler mes pleurs ;
Si je vois Alexis, je frémis et je meurs ;
Et je voudrais cacher à toute la nature
Mes sentiments, ma crainte, et les maux que j’endure.
Ah ! que fait Alexis ?
ZOÉ.
Il veut en souverain
Vous replacer au trône, et vous donner sa main.
A Léonce, au pontife, il s’expliquait en maître ;
Dans ses emportements j’ai peine à le connaître :
Il ne souffrira point que vous osiez jamais
Disposer de vous-même, et sortir du palais.
IRÈNE.
Ciel, qui lis dans mon cœur, qui vois mon sacrifice,
Tu ne souffriras pas que je sois sa complice !
ZOÉ.
Que vous êtes en proie à de tristes combats !
IRÈNE.
Tu les connais ; plains-moi, ne me condamne pas.
Tout ce que peut tenter une faible mortelle,
Pour se punir soi-même, et pour régner sur elle,
Je l’ai fait, tu le sais ; je porte encor mes pleurs
Au Dieu dont la bonté change, dit-on, les cœurs.
Il n’a point exaucé mes plaintes assidues ;
Il repousse mes mains vers son trône étendues ;
Il s’éloigne.
ZOÉ.
Et pourtant, libre dans vos ennuis,
Vous fuyez votre amant.
IRÈNE.
Peut-être je ne puis.
ZOÉ.
Je vous vois résister au feu qui vous dévore.
IRÈNE.
En voulant l’étouffer, l’allumerais-je encore ?
ZOÉ.
Alexis ne veut vivre et régner que pour vous.
IRÈNE.
Non, jamais Alexis ne sera mon époux.
ZOÉ.
Eh bien ! si dans la Grèce un usage barbare,
Contraire à ceux de Rome, indignement sépare
Du reste des humains les veuves des césars,
Si ce dur préjugé règne dans nos remparts,
Cette loi rigoureuse, est-ce un ordre suprême
Que du haut de son trône ait prononcé Dieu même ?
Contre vous de sa foudre a-t-il voulu s’armer ?
IRÈNE.
Oui : tu vois quel mortel il me défend d’aimer.
ZOÉ.
Ainsi, loin du palais où vous fûtes nourrie,
Vous allez, belle Irène, enterrer votre vie !
IRÈNE.
Je ne sais où je vais… Humains ! faibles humains !
Réglons-nous notre sort ? est-il entre nos mains ?
SCÈNE II.
IRÈNE, LÉONCE, ZOÉ.
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LÉONCE
Ma fille, il faut me suivre, et fuir en diligence
Ce séjour odieux fatal à l’innocence.
Cessez de redouter, en marchant sur mes pas,
Les efforts des tyrans qu’un père ne craint pas :
Contre ces noms fameux d’auguste et d’invincible,
Un mot, au nom du ciel, est une arme terrible ;
Et la religion, qui leur commande à tous.
Leur met un frein sacré qu’ils mordent à genoux.
Mon cilice, qu’un prince avec dédain contemple,
L’emporte sur sa pourpre, et lui commande au temple ;
Vos honneurs, avec moi plus sûrs et plus constants,
Des volages humains seront indépendants ;
Ils n’auront pas besoin de frapper le vulgaire
Par l’éclat emprunté d’une pompe étrangère,
Vous avez trop appris qu’elle est à dédaigner :
C’est loin du trône enfin que vous allez régner.
IRÈNE.
Je vous l’ai déjà dit, sans regret je le quitte.
Le nouveau César vient, je pars, et je l’évite.
(Elle sort.)
LÉONCE
Je ne vous quitte pas.