THÉÂTRE - IRÈNE - Partie 10 et fin

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THÉÂTRE - IRÈNE - Partie 10 et fin

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IRÈNE.

 

 

 

 

- Partie 10 -

 

 

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SCÈNE IV.

 

 

 

 

IRÈNE, se levant.

 

 

 

 

 

IRÈNE.

 

Qu’ai-je dit ? qu’ai-je fait ? et qu’est-ce que j’espère ?

Je ne me connais plus… Tandis qu’il me parlait,

Au seul son de sa voix tout mon cœur s’échappait :

Chaque mot, chaque instant portait dans ma blessure

Des poisons dévorants dont frémit la nature.

 

(Elle marche égarée et hors d’elle-même.)

 

Non, ne m’obéis point ; non, mon cher Alexis,

N’amène point mon père à mes yeux obscurcis :

Reviens… Ah ! je te vois ; ah ! je t’entends encore :

J’idolâtre avec toi le crime que j’abhorre…

O crime ! éloigne-toi… Ciel ! quel objet affreux !

Quel spectre menaçant se jette entre nous deux !

Est-ce toi, Nicéphore ! Ombre terrible, arrête :

Ne verse que mon sang, ne frappe que ma tête ;

Moi seule j’ai tout fait : c’est mon coupable amour,

C’est moi qui t’ai trahi, qui t’ai ravi le jour.

Quoi ! tu te joins à lui, toi, mon malheureux père !

Tu poursuis cette fille homicide, adultère !

Fuis, mon cher Alexis : détourne avec horreur

Ces yeux si dangereux, si puissants sur mon cœur !

Dégage de mes mains ta main de sang fumante ;

Mon père et mon époux poursuivent ton amante !

Sur leurs corps tout sanglants me faudra-t-il marcher

Pour voler dans tes bras dont on vient m’arracher ?

 

Ah ! je reviens à moi… Religion sacrée,

Devoir, nature, honneur, à cette âme égarée

Vous rendez sa raison, vous calmez ses esprits…

Je ne vous entends plus, si je vois Alexis !

 

Dieu, que je veux servir, et que pourtant j’outrage,

Pourquoi m’as-tu livrée à ce cruel orage ?

Contre un faible roseau pourquoi veux-tu t’armer ?

Qu’ai-je fait ? Tu le sais : tout mon crime est d’aimer !

Malgré mon repentir, malgré ta loi suprême,

Tu vois que mon amant l’emporte sur toi-même :

Il règne, il t’a vaincu dans mes sens obscurcis…

Eh bien ! voilà mon cœur ; c’est là qu’est Alexis :

Oui, tant que je respire, il en est le seul maître.

Je sens qu’en l’adorant je vais te méconnaître…

Je trahis et l’hymen, et la nature, et toi…

 

(Elle tire un poignard, et se frappe.)

 

Je te venge de lui, je te venge de moi.

Alexis fut mon dieu, je te le sacrifie :

Je n’y puis renoncer qu’en m’arrachant la vie.

 

(Elle tombe dans un fauteuil.)

 

 

 

 

 

SCÈNE V.

 

 

 

 

IRÈNE, mourante ; ALEXIS, LÉONCE, MEMNON, SUITE.

 

 

 

 

 

ALEXIS.

 

Je vous ramène un père, et je me suis flatté

Que nous pourrions fléchir sa dure austérité ;

Que sa justice enfin, me jugeant moins coupable,

Daignerait… Juste Dieu ! quel spectacle effroyable !

Irène ! chère Irène !

 

LÉONCE.

 

O ma fille ! ô fureur !

 

ALEXIS, se jetant aux genoux d’Irène.

 

Quel démon t’inspirait ?

 

IRÈNE.

 

  1. Alexis.) Léonce.)

 

Mon amour ; votre honneur :

J’adorais Alexis, et je m’en suis punie.

 

(Alexis veut se tuer, Memnon l’arrête.)

 

LÉONCE.

 

Ah ! mon zèle funeste eut trop de barbarie.

 

IRÈNE, lui tendant les mains.

 

Souvenez-vous de moi… plaignez tous deux mon sort.

Ciel ! prends soin d’Alexis, et pardonne ma mort…

 

ALEXIS, à genoux d’un côté..

 

Irène ! Irène ! ah, Dieu !

 

LÉONCE, à genoux de l’autre côté.

 

Déplorable victime !

 

IRÈNE.

 

Pardonne, Dieu clément ! ma mort est-elle un crime (1) ?

 

 

 

1 – Irène prononce ce vers pour se faire pardonner son suicide condamnable aux yeux des catholiques. « Son dernier mot étant un acte de contrition, écrivait Voltaire, il est clair qu’elle est sauvée. » (G.A.)

 

 

 

 

 

 

 

F.I.N.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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