LE SIÈCLE DE LOUIS XIV - Chapitre X - Travaux et magnificence de Louis XIV - Partie 1

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LE SIÈCLE DE LOUIS XIV - Chapitre X - Travaux et magnificence de Louis XIV - Partie 1

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SIÈCLE DE LOUIS XIV

 

PAR

 

VOLTAIRE

 

 

 

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CHAPITRE X.

 

Travaux et magnificence de Louis XIV.

Aventure singulière en Portugal.

Casimir en France.

Secours en Candie.

Conquête de la Hollande.

 

 

 

 

 

 

          Louis XIV, forcé de rester quelque temps en paix, continua, comme il avait commencé, à régler, à fortifier, et embellir son royaume. Il fit voir qu’un roi absolu, qui veut le bien, vient à bout de tout sans peine. Il n’avait qu’à commander, et les succès dans l’administration étaient aussi rapides que l’avaient été ses conquêtes. C’était une chose véritablement admirable de voir les ports de mer, auparavant déserts, ruinés, maintenant entourés d’ouvrages qui faisaient leur ornement et leur défense, couverts de navires et de matelots, et contenant déjà près de soixante grands vaisseaux qu’il pouvait armer en guerre (1). De nouvelles colonies, protégées par son pavillon, partaient de tous côtés pour l’Amérique, pour les Indes orientales, pour les côtes de l’Afrique. Cependant en France, et sous ses yeux, des édifices immenses occupaient des milliers d’hommes, avec tous les arts que l’architecture entraîne après elle, et dans l’intérieur de sa cour et de sa capitale, des arts plus nobles et plus ingénieux donnaient à la France des plaisirs et une gloire dont les siècles précédents n’avaient pas eu même l’idée. Les lettres florissaient ; le bon goût et la raison pénétraient dans les écoles de la barbarie. Tous ces détails de la gloire et de la félicité de la nation trouveront leur véritable place dans cette histoire (2) ; il ne s’agit ici que des affaires générales et militaires.

 

          Le Portugal donnait en ce temps un spectacle étrange à l’Europe. Dom Alfonse, fils indigne de l’heureux dom Jean de Bragance, y régnait : il était furieux et imbécile. Sa femme, fille du duc de Nemours, amoureuse de dom Pèdre, frère d’Alfonse, osa concevoir le projet de détrôner son mari, et d’épouser son amant. L’abrutissement du mari justifia l’audace de la reine. Il était d’une force de corps au-dessus de l’ordinaire il avait eu publiquement d’une courtisane un enfant qu’il avait reconnu : enfin, il avait couché très longtemps avec la reine. Malgré tout cela, elle l’accusa d’impuissance : et ayant acquis dans le royaume, par son habileté, l’autorité que son mari avait perdue par ses fureurs, elle le fit enfermer (novembre 1667). Elle obtint bientôt de Rome une bulle pour épouser son beau-frère. Il n’est pas étonnant que Rome ait accordé cette bulle ; mais il l’est que des personnes toutes-puissantes en aient besoin. Ce que Jules II avait accordé sans difficulté au roi d’Angleterre Henri VIII, Clément IX l’accorda à l’épouse d’un roi de Portugal. La plus petite intrigue fait dans un temps ce que les plus grands ressorts ne peuvent opérer dans un autre. Il y a toujours deux poids et deux mesures pour tous les droits des rois et des peuples ; et ces deux mesures étaient au Vatican depuis que les papes influèrent sur les affaires de l’Europe. Il serait impossible de comprendre comment tant de nations avaient laissé une si étrange autorité au pontife de Rome, si l’on ne savait combien l’usage a de force.

 

          Cet évènement, qui ne fut une révolution que dans la famille royale, et non dans le royaume de Portugal, n’ayant rien changé aux affaires de l’Europe, ne mérite d’attention que par sa singularité.

 

          La France reçut bientôt après un roi qui descendait du trône d’une autre manière (1668) Jean-Casimir, roi de Pologne, renouvela l’exemple de la reine Christine. Fatigué des embarras du gouvernement, et voulant vivre heureux, il choisit sa retraite à Paris dans l’abbaye de Saint-Germain dont il fut abbé. Paris, devenu depuis quelques années le séjour de tous les arts, était une demeure délicieuse pour un roi qui cherchait les douceurs de la société, et qui aimait les lettres. Il avait été jésuite et cardinal avant d’être roi ; et dégoûté également de la royauté et de l’église, il ne cherchait qu’à vivre en particulier et en sage, et ne voulut jamais souffrir qu’on lui donnât à Paris le titre de majesté (3).

 

          Mais une affaire plus intéressante tenait tous les princes chrétiens attentifs.

 

          Les Turcs, moins formidables à la vérité que du temps des Mahomet, des Sélim, et des Soliman, mais dangereux encore et forts de nos divisions, après avoir bloqué Candie pendant huit années, l’assiégèrent régulièrement avec toutes les forces de leur empire. On ne sait s’il était plus étonnant que les Vénitiens se fussent défendus si longtemps, ou que les rois de l’Europe les eussent abandonnés.

 

          Les temps sont bien changés. Autrefois, lorsque l’Europe chrétienne était barbare, un pape, ou même un moine, envoyait des millions de chrétiens combattre les mahométans dans leur empire : nos Etats s’épuisaient d’hommes et d’argent pour aller conquérir la misérable et stérile province de Judée ; et maintenant que l’île de Candie, réputée le boulevard de la chrétienté, était inondée de soixante mille Turcs, les rois chrétiens regardaient cette perte avec indifférence. Quelques galères de Malte et du pape étaient le seul secours qui défendait cette république contre l’empire ottoman. Le sénat de Venise, aussi impuissant que sage, ne pouvait, avec ses soldats mercenaires et des secours si faibles, résister au grand-vizir Kiuperli, bon ministre, meilleur général, maître de l’empire de la Turquie, suivi de troupes formidables, et qui même avait de bons ingénieurs.

 

          Le roi donna inutilement aux autres princes l’exemple de secourir Candie. Ses galères, et les vaisseaux nouvellement construits dans le port de Toulon, y portèrent sept mille hommes commandés par le duc de Beaufort : secours devenu trop faibles dans un si grand danger, parce que la générosité française ne fut imitée de personne.

 

          La Feuillade, simple gentilhomme français, fit une action qui n’avait d’exemple que dans les anciens temps de la chevalerie. Il mena près de trois cents gentilshommes à Candie à ses dépens, quoiqu’il ne fût pas riche. Si quelque autre nation avait fait pour les Vénitiens à proportion de La Feuillade, il est à croire que Candie eût été délivrée. Ce secours ne servit qu’à retarder la prise de quelques jours, et à verser du sang inutilement. Le duc de Beaufort périt dans une sortie, et Kiuperli entra enfin par capitulation dans cette ville, qui n’était plus qu’un monceau de ruines (16 septembre 1669) (4).

 

          Les Turcs, dans ce siège, s’étaient montrés supérieurs aux chrétiens, même dans la connaissance de l’art militaire. Les plus gros canons qu’on eût vus encore en Europe furent fondus dans leur camp. Ils firent, pour la première fois, des lignes parallèles dans les tranchées. C’est d’eux que nous avons pris cet usage ; mais ils ne le tinrent que d’un ingénieur italien. Il est certain que des vainqueurs tels que les Turcs, avec de l’expérience, du courage, des richesses, et cette constance dans le travail qui faisait alors leur caractère, devaient conquérir l’Italie et prendre Rome en bien peu de temps ; mais les lâches empereurs qu’ils ont eus depuis, leurs mauvais généraux, et le vice de leur gouvernement, ont été le salut de la chrétienté.

 

          Le roi, peu touché de ces événements éloignés, laissait mûrir son grand dessein de conquérir tous les Pays-Bas, et de commencer par la Hollande. L’occasion devenait tous les jours plus favorable. Cette petite république dominait sur les mers : mais sur la terre rien n’était plus faible. Liée avec l’Espagne et avec l’Angleterre, en paix avec la France, elle se reposait avec trop de sécurité sur les traités et sur les avantages d’un commerce immense. Autant ses armées navales étaient disciplinées et invincibles, autant ses troupes de terre étaient mal tenues et méprisables. Leur cavalerie n’était composée que de bourgeois, qui ne sortaient jamais de leurs maisons, et qui payaient des gens de la lie du peuple pour faire le service en leur place. L’infanterie était à peu près sur le même pied ; les officiers, les commandants même des places de guerre, étaient les enfants ou les parents des bourgmestres, nourris dans l’inexpérience et dans l’oisiveté, regardant leurs emplois comme des prêtres regardent leurs bénéfices. Le pensionnaire Jean de Witt avait voulu corriger cet abus, mais il ne l’avait pas assez voulu, et ce fut une des grandes fautes de ce républicain.

 

          (1670). Il fallait d’abord détacher l’Angleterre de la Hollande. Cet appui venant à manquer aux Provinces-Unies, leur ruine paraissait inévitable. Il ne fut pas difficile à Louis XIV d’engager Charles dans ses desseins. Le monarque anglais n’était pas, à la vérité, fort sensible à la honte que son règne et sa nation avaient reçue, lorsque ses vaisseaux furent brûlés jusque dans la rivière de la Tamise par la flotte hollandaise. Il ne respirait ni la vengeance ni les conquêtes. Il voulait vivre dans les plaisirs, et régner avec un pouvoir moins gêné ; c’est par là qu’on le pouvait séduire. Louis, qui n’avait qu’à parler alors pour avoir de l’argent, en promit beaucoup au roi Charles, qui n’en pouvait avoir sans son parlement. Cette liaison secrète entre les deux rois ne fut confiée en France qu’à Madame, sœur de Charles II et épouse de Monsieur, frère unique du roi, à Turenne et à Louvois.

 

          (Mai 1670) Une princesse de vingt-six ans fut le plénipotentiaire qui devait consommer ce traité avec le roi Charles. On prit pour prétexte du passage de Madame en Angleterre, un voyage que le roi voulut faire dans ses conquêtes nouvelles vers Dunkerque et vers Lille. La pompe et la grandeur des anciens rois de l’Asie n’approchaient pas de l’éclat de ce voyage. Trente mille hommes précédèrent ou suivirent la marche du roi ; les uns destinés à renforcer les garnisons des pays conquis, les autres à travailler aux fortifications, quelques-uns à aplanir les chemins. Le roi menait avec lui la reine sa femme, toutes les princesses, et les plus belles femmes de sa cour. Madame brillait au milieu d’elles, et goûtait dans le fond de son cœur le plaisir et la gloire de tout cet appareil, qui couvrait son voyage. Ce fut une fête continuelle depuis Saint-Germain jusqu’à Lille.

 

          Le roi, qui voulait gagner les cœurs d ses nouveaux sujets, et éblouir ses voisins, répandait partout ses libéralités avec profusion ; l’or et les pierreries étaient prodigués à quiconque avait le moindre prétexte pour lui parler. La princesse Henriette s’embarqua à Calais, pour voir son frère qui s’était avancé jusqu’à Cantorbéry. Charles, séduit par son amitié pour sa sœur et par l’argent de la France, signa tout ce que Louis XIV voulait, et prépara la ruine de la Hollande au milieu des plaisirs et des fêtes.

 

          La perte de Madame, morte à son retour d’une manière soudaine et affreuse, jeta des soupçons injustes sur Monsieur (5), et ne changea rien aux résolutions des deux rois. Les dépouilles de la république, qu’on devait détruire, étaient déjà partagées par le traité secret entre les cours de France et d’Angleterre, comme en 1635 on avait partagé la Flandre avec les Hollandais. Ainsi on change de vues, d’alliés et d’ennemis, et on est souvent trompé dans tous ses projets. Les bruits de cette entreprise prochaine commençaient à se répandre ; mais l’Europe les écoutait en silence. L’empereur, occupé de séditions de la Hongrie ; la Suède, endormie par des négociations ; l’Espagne, toujours faible, toujours irrésolue, et toujours lente, laissaient une libre carrière à l’ambition de Louis XIV.

 

          La Hollande, pour comble de malheur, était divisée en deux factions : l’une, des républicains rigides à qui tout ombre d’autorité despotique semblait un monstre contraire aux lois de l’humanité ; l’autre, des républicains mitigés, qui voulaient établir dans les charges de ses ancêtres le jeune prince d’Orange, si célèbre depuis sous le nom de Guillaume III. Le grand pensionnaire Jean de Witt, et Corneille son frère, étaient à la tête des partisans austères de la liberté (6) : mais le parti du jeune prince commençait à prévaloir. La république, plus occupée de ses dissensions domestiques que de son danger, contribuait elle-même à sa ruine.

 

          Des mœurs étonnantes, introduites depuis plus de sept cents ans chez les chrétiens, permettaient que des prêtres fussent seigneurs temporels et guerriers. Louis soudoya l’archevêque de Cologne, Maximilien de Bavière, et ce même Van Galen, évêque de Munster, abbé de Corbie (7) en Vesphalie, comme il soudoyait le roi d’Angleterre, Charles II. Il avait précédemment secouru les Hollandais contre cet évêque, et maintenant il le paye pour les écraser. C’était un homme singulier que l’histoire ne doit point négliger de faire connaître. Fils d’un meurtrier, et né dans la prison où son père fut enfermé quatorze ans, il était parvenu à l’évêché de Munster par des intrigues secondées de la fortune. A peine élu évêque il avait voulu dépouiller la ville de ses privilèges. Elle résista, il l’assiégea ; il mit à feu et à sang le pays qui l’avait choisi pour son pasteur. Il traita de même son abbaye de Corbie. On le regardait comme un brigand à gages, qui tantôt recevait de l’argent des Hollandais pour faire la guerre à ses voisins, tantôt en recevait de la France contre la république.

 

          La Suède n’attaqua pas les Provinces-Unies ; mais elle les abandonna dès qu’elle les vit menacées, et rentra dans ses anciennes liaisons avec la France moyennant quelques subsides. Tout conspirait à la destruction de la Hollande.

 

          Il est singulier et digne de remarque que de tous les ennemis qui allaient fondre sur ce petit Etat il n’y en eût pas un qui pût alléguer un prétexte de guerre. C’était une entreprise à peu près semblable à cette ligue de Louis XII, de l’empereur Maximilien, et du roi d’Espagne, qui avaient autrefois conjuré la perte de la république de Venise, parce qu’elle était riche et fière.

 

          Les états généraux consternés écrivirent au roi, lui demandant humblement si les grands préparatifs qu’il faisait étaient en effet destinés contre eux, ses anciens et fidèles alliés ? en quoi ils l’avaient offensé ? quelle réparation il exigeait ? Il répondit « qu’il ferait de ses troupes l’usage que demanderait sa dignité, dont il ne devait compte à personne. » Ses ministres alléguaient pour toute raison que le gazetier de Hollande avait été trop insolent, et qu’on disait que Van Beuning avait fait frapper une médaille injurieuse à Louis XIV. Le goût des devises régnait alors en France. On avait donné à Louis XIV la devise du soleil avec cette légende : nec pluribus impar. On prétendait que Van Beuning s’était fait représenter avec un soleil, et ces mots pour ame : IN CONSPECTU MEO STETIT SOL ; A mon aspect le soleil s’est arrêté. Cette médaille n’exista jamais. Il est vrai que les états avaient fait frapper une médaille, dans laquelle ils avaient exprimé tout ce que la république avait fait de glorieux : « Assertis legibus ; emendatis sacris ; adjutis, defensis, conciliatis regibus ; vindicata marium libertate ; stabilita orbis Europæ quiete. » « Les lois affermies ; la religion épurée ; les rois secourus, défendus, et réunis ; la liberté des mers vengée ; l’Europe pacifiée. »

 

          Ils ne se vantaient en effet de rien qu’ils n’eussent fait : cependant ils firent briser le coin de cette médaille pour apaiser Louis XIV.

 

          Le roi d’Angleterre, de son côté, leur reprochait que leur flotte n’avait pas baissé son pavillon devant un bateau anglais, et alléguait encore un certain tableau, où Corneille de Witt, frère du pensionnaire, était peint avec les attributs d’un vainqueur. On voyait des vaisseaux pris et brûlés dans le fond du tableau. Ce Corneille de Witt, qui en effet avait eu beaucoup de part aux exploits maritimes contre l’Angleterre, avait souffert ce faible monument de sa gloire ; mais ce tableau presque ignoré était dans une chambre où l’on n’entrait presque jamais. Les ministres anglais qui mirent par écrit les griefs de leur roi contre la Hollande, y spécifièrent des tableaux injurieux, abusive pictures. Les états, qui traduisaient toujours les mémoires des ministres en français, ayant traduit abusive par le mot fautifs, trompeurs, répondirent qu’ils ne savaient ce que c’était que ces tableaux trompeurs. En effet, ils ne devinèrent jamais qu’il était question de ce portrait d’un de leurs concitoyens, et ils ne purent imaginer ce prétexte de la guerre.

 

          Tout ce que les efforts de l’ambition et de la prudence humaine peuvent préparer pour détruire une nation, Louis XIV l’avait fait. Il n’y a pas chez les hommes d’exemple d’une petite entreprise formée avec des préparatifs plus formidables. De tous les conquérants qui ont envahi une partie du monde, il n’y en a pas un qui ait commencé ses conquêtes avec autant de troupes réglées et autant d’argent que Louis en employa pour subjuguer le petit Etat des Provinces-Unies. Cinquante millions, qui en feraient aujourd’hui quatre-vingt-dix-sept, furent consommés à cet appareil. Trente vaisseaux de cinquante pièces de canon joignirent la flotte anglaise, forte de cent voiles. Le roi, avec son frère, alla sur les frontières de la Flandre espagnole et de la Hollande, vers Mastricht et Charleroi, avec plus de cent douze mille hommes. L’évêque de Munster et l’électeur de Cologne en avaient environ vingt mille. Les généraux de l’armée du roi étaient Condé et Turenne. Luxembourg commandait sous eux. Vauban devait conduire les sièges. Louvois était partout avec sa vigilance ordinaire. Jamais on n’avait vu une armée si magnifique et en même temps mieux disciplinée. C’était surtout un spectacle imposant, que la maison du roi nouvellement réformée. On y voyait quatre compagnies des gardes du corps, chacune composée de trois cents gentilshommes, entre lesquels il y avait beaucoup de jeunes cadets sans paye, assujettis comme les autres à la régularité du service ; deux cents gendarmes de la garde, deux cents chevau-légers, cinq cents mousquetaires, tous gentilshommes choisis, parés de leur jeunesse et de leur bonne mine ; douze compagnies de la gendarmerie, depuis augmentées jusqu’au nombre de seize ; les cent-suisses même accompagnaient le roi et ces régiments des gardes françaises et suisses montaient la garde devant sa maison, ou devant sa tente. Ces troupes, pour la plupart couvertes d’or et d’argent, étaient en même temps un objet de terreur et d’admiration pour des peuples chez qui toute espèce de magnificence était inconnue. Une discipline devenue encore plus exacte avait mis dans l’armée un nouvel ordre. Il n’y avait point encore d’inspecteurs de cavalerie et d’infanterie, comme nous en avons vu depuis ; mais deux hommes uniques chacun dans leur genre en faisaient les fonctions. Martinet mettait alors l’infanterie sur le pied de discipline où elle est aujourd’hui. Le chevalier de Fourilles faisait la même chose (8) dans la cavalerie. Il y avait un an que Martinet avait mis la baïonnette en usage dans quelques régiments. Avant lui on ne s’en servait pas d’une manière constante et uniforme. Ce dernier effort peut-être de ce que l’art militaire a inventé de plus terrible était connu, mais peu pratiqué, parce que les piques prévalaient. Il avait imaginé des pontons de cuivres, qu’on portait aisément sur des charrettes. Le roi, avec tant d’avantages, sûr de sa fortune et de sa gloire, menait avec lui un historien qui devait écrire ses victoires ; c’était Pellisson, homme dont il a été parlé dans l’article des Beaux-Arts, plus capable de bien écrire que de ne pas flatter.

 

 

 

 

1 – En quatre années, 79 bâtiments ; en six, 194, dont 120 vaisseaux. (G.A.)

2 – Chapitres XXXXII et XXXIII.

3 – Il avait épousé Marie de Gonzague, veuve de son frère, avec toutes les dispenses dont pouvait avoir besoin un jésuite cardinal, pour se marier avec sa belle-sœur ; et on a prétendu qu’en France il épousa secrètement Marie Mignot, fille d’une blanchisseuse, mais déjà veuve d’un conseiller au parlement de Grenoble, et du second maréchal de L’Hospital. Cette anecdote n’est rien moins que certaine. (K.)

4- Voir le chapitre CXCI de l’Essai. (G.A.)

5 – Voyez les Anecdotes du siècle de Louis XIV, chapitre XXVI. (K.)

6 – Jean de Witt avait une liste civile de trois mille livres par an. (G.A.)

7 – Ou mieux, Corwei. (G.A.)

8 – Dans presque toutes les éditions on trouve : faisait la même charge. Ce doit être une erreur. (G.A.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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