1778 - SUPPLÉMENT A LA CORRESPONDANCE - Partie 11

Publié le par loveVoltaire

1778 - SUPPLÉMENT A LA CORRESPONDANCE - Partie 11

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SUPPLÉMENT A LA CORRESPONDANCE

ET AUX ŒUVRES COMPLÈTES DE

 

VOLTAIRE.

 

 

____

 

 

 

 

 

 

à M. le comte d’Argental.

 

3 Mars 1760 (1).

 

 

          Mon divin ange, le vent du nord me tue. Je n’ai pas pensé au tripot depuis que ce maudit vent souffle dans ma vallée. J’apprends que Spartacus n’est pas de maleficiatis, mais qu’il est de frigidis. Je m’en suis douté. Un gladiateur ne saurait être tendre, et j’ai peur que l’esprit de Saurin ne tienne un peu de la trempe du gladiateur.

 

          Envoyez-moi donc, m’allez-vous dire, la tendre Aménaïde et la passionnée Fanime (2). – Oui, sans doute, elles partiront dans huit jours. Vous n’avez qu’à dire l’adresse, et vous serez obéi sur-le-champ ; j’opine pour Aménaïde et la chevalerie. Cela est tout neuf, cela ne ressemble à rien, et la Fanime ressemble à tout. Elle a les yeux d’Ariane, le nez de Didon, le menton de Roxane. Elle n’a malheureusement pas d’Acomat ; et le beau garçon qui fait l’amoureux est fort au-dessous de Bajazet. Donnons toute la préférence aux chevaliers qui paraissent pour la première fois avec leur bouclier et leur haubert, et aux rimes croisées, et à la pompe du spectacle ; mais surtout ne nous pressons pas, je vous en conjure. Je ne peux pas m’imaginer que le public aille au spectacle avec un esprit bénévole, quand on est sans vaisseaux et sans vaisselle, et qu’on ne peut faire ni la guerre ni la paix. Je suis bien las d’ailleurs des fréronades, et il est triste, à mon âge, d’être toujours dans le public comme le faquin de l’Académie de Dugast, auquel on tire. Les amusements innocents de ma retraite et de la vieillesse n’ont pu me mettre à l’abri des coups de ce malheureux Fréron ; il faut avouer que ce rôle est insupportable, et qu’il est bien avilissant.

 

          Mon autre persécuteur, M. l’abbé d’Espagnac, est plus poli ; aussi lui ai-je envoyé respectueusement un nouveau mémoire, qui sera le dernier ; après quoi, je tendrai le cou. J’ai peur d’être dégoûté de mes terres en France comme de tragédies. On m’a saisi mon pain, sous prétexte d’un manque de formalité au bureau de la frontière. Je m’en suis plaint à M. le duc de Choiseul, et je lui ai dit combien il était dur de ne pouvoir manger son pain, que les Grecs appellent vòv xãròv.

 

          Pour Luc (3), je n’entends pas, mon cher ange, ce que vous imaginez quand vous dites que je serai trop vengé. Il a près de cent mille hommes ; le prince Ferdinand aura une armée formidable, et, qui pis est, il y aura une quinzaine de mille d’Anglais dans cette armée. Je fais beaucoup de vœux, et j’ai peu d’espérance.

 

          A l’égard des lettres de lui à moi qu’on a imprimées, je ne les ai point vues ; mais j’ai les minutes de toutes ces lettres, que je lui renvoyais corrigées, et qu’un Bonneville lui a, dit-on, volées. J’ai mis la main à tout ce qu’on a imprimé de lui. Il a été un peu ingrat. M. de Choiseul ne vous a-t-il rien confié touchant cette comique majesté ? Ne savez-vous rien ? Dites-moi donc quelque chose.

 

          Comment se porte madame Scaliger (4) ? Mille tendres respects.

 

 

1 – Editeurs, de Cayrol et A. François. (G.A.)

2 – Tancrède et Zulime, tragédies. (G.A.)

3 – Les éditeurs de cette lettre ont imprimé Lui au lieu de Luc. (G.A.)

4 – Madame d’Argental. (G.A.)

 

 

 

 

 

à M. le docteur Tronchin.

 

7 Septembre 1760 (1).

 

 

          Non, mon cher docteur, je n’y ai jamais mis la main, ni conduit la main de personne ; j’ai seulement deviné l’auteur, et ne l’ai deviné qu’hier, et je suis très bon devin. L’auteur peut avoir raison de dire qu’un fripon est un fripon ; mais il a tort et très grand tort de mettre à la tête de l’ouvrage un V au lieu d’une autre lettre de l’alphabet.

 

          Je suis très aise, et vous aussi, qu’on vilipende un tartufe ; je suis très fâché qu’on me fasse un honneur que je ne mérite point, et que je ne veux point. J’ai demandé justice au conseil du libraire qui abuse de la première lettre de mon nom ; je me soucie très peu de l’obtenir, je ne me soucie que de votre amitié.

 

          Que ferons-nous de Daumart ? Il est toujours dans le même état. Je soupçonne quelque misère dans son fémur, et je pense qu’il a beaucoup plus besoin de vos bontés que des eaux de Bonn. – Je vous embrasse du meilleur de mon cœur.

 

 

1 – Editeurs, de Cayrol et A. François. (G.A.)

 

 

 

 

 

à M. le docteur Tronchin. (1)

 

 

 

          Voici, mon cher Esculape, le volume dont vous voulez sans doute amuser son excellence. Je vous demande en grâce de me le renvoyer au plus tôt. J’ai cherché la lettre de ce J.-.J (2), ou J.-F. Si je la trouve, vous l’aurez sur-le-champ. Je vous demande en grâce de ne pas laisser ignorer à votre ambassadeur malade le vif intérêt que je prends à sa santé. Vous le guérirez, j’en réponds. Il n’a que trente-quatre ans, et j’en ai soixante et onze.

 

P.S. – Je n’aurai pas le dernier ; croyez qu’il y a une très grande différence entre Paris et une petite ville, que la plaisanterie de Hume (3) est fort bonne, et que celle des Dialogues chrétiens est fort triste. Je ris pour Paris, mais je ne ris point pour Genève. Non imnibus rideo. Je prends ici la chose très sérieusement, et je ne veux pas accoutumer des faquins de libraires à abuser de mon nom. Je dirai à Vernet qu’il est un fripon, quand il me plaira ; mais je ne veux pas qu’on me le fasse dire. Mon cher Esculape, croyez-moi, aimez la franchise de mon caractère.

 

 

1 – Editeurs, de Cayrol et A. François. – Cette lettre est encore de 1760. (G.A.)

2 – Jean-Jacques. (G.A.)

3 – La comédie de l’Ecossaise. (G.A.)

 

 

 

 

 

à M. le docteur Tronchin.

 

 

A Ferney, à dix heures du soir, 1760 (1).

 

 

          Puis-je, mon très cher Esculape, interrompre un moment vos occupations pour vous dire que maman Denis a senti tout d’un coup passer son vieux mal de reins à la région de l’estomac ? Ce mal de reins était fixe ; il fait l’effet d’une crampe dans l’estomac, et il a volé à cette place en un clin d’œil, comme la goutte qui passe d’un orteil à l’autre. Nous l’avons couchée ; nous lui avons mis des serviettes chaudes. Son pouls est d’une personne qui souffre, mais sans aucune apparence de fièvre. Je crois que cette aventure n’est nullement dangereuse ; mais quid illi facere ? Rien sans vos ordres.

 

          Nous avons vu madame Constant, qui vous doit la vie. Plût à Dieu que Jean-Jacques vous eût dû la raison ! – Je vous embrasse tendrement.

 

 

1 – Editeurs, de Cayrol et A. François. – Nous croyons que cette lettre est de la même année que les deux précédentes. (G.A.)

 

 

 

 

 

à M. Tronchin, de Lyon

 

Délices, 8 Novembre 1760 (1).

 

 

          Les effets publics se soutiendront sans doute, puisque voilà un lieutenant de police à la tête de la marine (2). Je crois bien que ce n’est pas vous qui avez fait les quatre vers pour le roi de Prusse ; ce n’est pas moi non plus. Il m’en envoya plus de deux cents l’année passée. Mais à présent, s’il en fait, ce sont des élégies.

 

 

1 – Editeurs, de Cayrol et A. François. – Ce billet doit être de 1760. (G.A.)

2 – Berryer. (G.A.)

 

 

 

 

 

 

 

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