THÉÂTRE - IRÈNE - Partie 4

Publié le par loveVoltaire

THÉÂTRE - IRÈNE - Partie 4

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IRÈNE.

 

 

 

 

- Partie 4 -

 

 

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ACTE DEUXIÈME.

 

 

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SCÈNE III.

 

 

 

ALEXIS, MEMNON.

 

 

 

 

 

 

 

MEMNON.

 

Moi, servir Nicéphore !

 

ALEXIS, après avoir observé le lieu où il se trouve.

 

Il faut d’abord m’apprendre

Ce que dit ce billet que l’on vient de te rendre.

 

MEMNON.

 

Voyez.

 

ALEXIS, après avoir lu une partie du billet de sang-froid.

 

Dans son conseil l’arrêt était porté :

Et j’aurais dû m’attendre à cette atrocité !

Il se flattait qu’en maître il condamnait Comnène.

Il a signé ma mort.

 

MEMNON.

 

Il a signé la sienne.

D’esclaves entouré, ce tyran ténébreux,

Ce despote aveuglé m’a cru lâche comme eux :

Tant ce palais funeste a produit l’habitude

Et de la barbarie et de la servitude !

Tant sur leur trône affreux nos césars chancelants

Pensent régner sans lois, et parler en sultans !

Mais achevez, lisez cet ordre impitoyable.

 

ALEXIS, relisant.

 

Plus que je ne pensais ce despote est coupable :

Irène prisonnière ! est-il bien vrai, Memnon ?

 

MEMNON.

 

Le tombeau, pour les grands, est près de la prison.

 

ALEXIS.

 

O ciel !... De tes projets Irène est-elle instruite ?

 

MEMNON.

 

Elle en peut soupçonner et la cause et la suite :

Le reste est inconnu.

 

ALEXIS.

 

Gardons de l’affliger,

Et surtout, cher ami, cachons-lui son danger.

L’entreprise bientôt doit être découverte ;

Mais c’est quand on saura ma victoire ou ma perte.

 

MEMNON.

 

Nos amis vont se joindre à ces braves soldats.

 

ALEXIS.

 

Sont-ils prêts à marcher ?

 

MEMNON.

 

Seigneur, n’en doutez pas :

Leur troupe en ce moment va s’ouvrir un passage.

Croyez que l’amitié, le zèle, et le courage.

Sont d’un plus grand service, en ces périls pressants,

Je les vois avancer vers la porte Sacrée ;

L’empereur va lui-même en défendre l’entrée.

Du peuple soulevé j’entends déjà les cris.

 

ALEXIS.

 

Nous n’avons qu’un moment ; je règne, ou je péris :

Le sort en est jeté. Prévenons Nicéphore.

 

(Aux soldats.)

 

Venez, braves amis, dont mon destin m’honore ;

Sous Memnon et sous moi vous avez combattu ;

Combattez pour Irène, et vengez sa vertu.

Irène m’appartient ; je ne puis la reprendre

Que dans des flots de sang et sous des murs en cendre.

Marchons sans balancer.

 

 

 

 

 

SCÈNE IV.

 

 

 

ALEXIS, IRÈNE, MEMNON.

 

 

 

 

 

 

 

IRÈNE.

 

Où courez-vous ? ô ciel !

Alexis ! arrêtez : que faites-vous ? cruel !

Demeurez ; rendez-vous à mes soins légitimes ;

Prévenez votre perte ; épargnez-vous des crimes.

Au seul nom de révolte on me glace d’effroi :

On me parle du sang qui va couler pour moi.

Il ne m’est plus permis, dans ma douleur muette,

De dévorer mes pleurs au fond de ma retraite.

Mon père, en ce moment, par le peuple excité,

Revient vers ce palais qu’il avait déserté ;

Le pontife le suit ; et, dans son ministère,

Du Dieu que l’on outrage atteste la colère.

Ils vous cherchent tous deux dans ces périls pressants.

Seigneur, écoutez-les.

 

ALEXIS.

 

Irène, il n’est plus temps :

La querelle est trop grande : elle est trop engagée.

Je les écouterai quand vous serez vengée.

 

 

 

 

 

 

 

 

SCÈNE V.

 

 

 

IRÈNE.

 

 

 

 

 

IRÈNE.

 

Il me fuit ! que deviens-je ? ô ciel ! et quel moment !

Mon époux va périr ou frapper mon amant !

Je me jette en tes bras ! ô Dieu qui m’as fait naître !

Toi qui fis mon destin, qui me donnas pour maître

Un mortel respectable et qui reçut ma foi,

Que je devais aimer, s’il se peut, malgré moi !

J’écoutai ma raison ; mais mon âme infidèle,

En voulant t’obéir, se souleva contre elle.

Conduis mes pas, soutiens cette faible raison ;

Rends la vie à ce cœur qui meurt de son poison ;

Rends la paix à l’empire aussi bien qu’à moi-même.

Conserve mon époux : commande que je l’aime.

Le cœur dépend de toi : les malheureux humains

Sont les vils instruments de tes divines mains.

Dans ce désordre affreux veille sur Nicéphore :

Et, quand pour mon époux mon désespoir t’implore,

Si d’autres sentiments me sont encor permis,

Dieu qui sais pardonner, veille sur Alexis.

 

 

 

 

 

 

 

 

SCÈNE VI.

 

 

 

IRÈNE, ZOÉ.

 

 

 

 

 

 

ZOÉ.

 

Ils sont aux mains ; rentrez.

 

IRÈNE.

 

Et mon père ?

 

ZOÉ.

 

Il arrive ;

Il fend les flots du peuple, et la foule craintive

De femmes, de vieillards, d’enfants, qui dans leurs bras

Poussent au ciel des cris que le ciel n’entend pas.

Le pontife sacré, par un secours utile,

Aux blessés, aux mourants, en vain donne un asile :

Les vainqueurs acharnés immolent sur l’autel

Les vaincus échappés à ce combat cruel.

Ne vous exposez point à ce peuple en furie.

Je vois tomber Byzance, et périr la patrie

Que nos tremblantes mains ne peuvent relever ;

Mais ne vous perdez pas en voulant la sauver :

Attendez du combat au moins quelque nouvelle.

 

IRÈNE.

 

Non, Zoé ; le ciel veut que je tombe avec elle :

Non, je ne dois point vivre en nos murs embrasés,

Au milieu des tombeaux que mes mains ont creusés.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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