THÉÂTRE - IRÈNE - Partie 1

Publié le par loveVoltaire

THÉÂTRE - IRÈNE - Partie 1

Photo de PAPAPOUSS

 

 

 

 

IRÈNE.

 

 

 

___________

 

 

 

PERSONNAGES.

 

 

 

 

NICÉPHORE                               empereur de Constantinople.

IRÈNE                                           femme de Nicéphore.

ALEXIS COMNÈNE                   prince de Grèce.

LÉONCE                                                 père d’Irène.

MEMNON                                    attaché à Alexis.

ZOÉ                                              favorite, suivante d’Irène.

UN OFFICIER DE L’EMPEREUR.

GARDES.

 

 

______

 

 

 

La scène est dans un salon de l’ancien palais de Constantin.

 

 

 

______

 

 

ACTE PREMIER.

 

 

_______

 

 

SCÈNE I.

 

 

 

IRÈNE, ZOÉ.

 

 

IRÈNE.

 

Quel changement nouveau, quelle sombre terreur,

Ont écarté de nous la cour et l’empereur ?

Au palais des Sept-Tours une garde inconnue

Dans un silence morne étonne ici ma vue ;

En un vaste désert on a changé la cour.

 

ZOÉ.

 

Aux murs de Constantin trop souvent un beau jour

Est suivi des horreurs du plus funeste orage.

La cour n’est pas longtemps le bruyant assemblage

De tous nos vains plaisirs l’un à l’autre enchaînés,

Trompeurs soulagements des cœurs infortunés ;

De la foule importune il faut qu’on se retire.

Nos états assemblés pour corriger l’empire,

Pour le perdre peut-être, et ces fiers musulmans,

Ces Scythes vagabonds débordés dans nos champs,

Mille ennemis cachés qu’on nous fait craindre encore,

Sans doute en ce moment occupent Nicéphore.

 

IRÈNE.

 

De ses chagrins secrets, qu’il veut dissimuler,

Je connais trop la cause ; elle va m’accabler.

Je sais par quels soupçons sa dureté jalouse

Dans son inquiétude outrage son épouse.

Il écoute en secret ces obscurs imposteurs,

D’un esprit défiant détestables flatteurs,

Trafiquant du mensonge et de la calomnie,

Et couvrant la vertu de leur ignominie.

Quel emploi pour César ! et quels soins douloureux !

Je le plains, je gémis… Il fait deux malheureux…

Ah ! que n’ai-je embrassé cette retraite austère

Où depuis mon hymen s’est enfermé mon père !

Il a fui pour jamais l’illusion des cours.

L’espoir qui nous séduit, qui nous trompe toujours,

La crainte qui nous glace, et la peine cruelle

De se faire à soi-même une guerre éternelle.

Que ne foulai-je aux pieds ma funeste grandeur !

Je montai sur le trône au faîte du malheur,

Aux yeux des nations victime couronnée ;

Je pleure devant toi ma haute destinée,

Et je pleure surtout ce fatal souvenir

Que mon devoir condamne, et qu’il me faut bannir.

Ici l’air qu’on respire empoisonne ma vie.

 

ZOÉ.

 

De Nicéphore au moins la sombre jalousie

Par d’indiscrets éclats n’a point manifesté

Le sentiment honteux dont il est tourmenté :

Il le cache au vulgaire, à sa cour, à lui-même ;

Il sait vous respecter, et peut-être il vous aime.

Vous cherchez à nourrir une injuste douleur.

Que craignez-vous ?

 

IRÈNE.

 

Le ciel, Alexis, et mon cœur.

 

ZOÉ.

 

Mais Alexis Comnène aux champs de la Tauride,

Tout entier à la gloire, au devoir qui le guide,

Sert l’empereur et vous sans vous inquiéter,

Fidèle à ses serments jusqu’à vous éviter.

 

IRÈNE.

 

Je sais que ce héros ne cherche que la gloire :

Je ne saurais m’en plaindre.

 

ZOÉ.

 

Il a par la victoire

Raffermi cet empire ébranlé dès longtemps.

 

IRÈNE.

 

Ah ! j’ai trop admiré ses exploits éclatants :

Sa gloire de si loin m’a trop intéressée.

César aura surpris au fond de ma pensée

Quelques vœux indiscrets que je n’ai pu cacher,

Et qu’un époux, un maître, a droit de reprocher.

C’était pour Alexis que le ciel me fit naître :

Des antiques césars nous avons reçu l’être ;

Et dès notre berceau l’un à l’autre promis,

C’est dans ces mêmes lieux que nous fûmes unis :

C’est avec Alexis que je fus élevée ;

L’intérêt de l’Etat, ce prétexte inventé

Pour trahir sa promesse avec impunité,

Ce fantôme effrayant subjugua ma famille ;

Ma mère à son orgueil sacrifia sa fille.

Du bandeau des césars on crut cacher mes pleurs ;

On para mes chagrins de l’éclat des grandeurs.

Il me fallut éteindre, en ma douleur profonde,

Un feu plus cher pour moi que l’empire du monde ;

Au maître de mon cœur il fallut m’arracher,

De moi-même en pleurant j’osai me détacher.

De la religion le pouvoir invincible

Secourut ma faiblesse en ce combat pénible ;

Et de ce grand secours apprenant à m’armer,

Je fis l’affreux serment de ne jamais aimer.

Je le tiendrai. Ce mot te fait assez comprendre

A quels déchirements ce cœur devait s’attendre.

Mon père à cet orage ayant pu m’exposer,

M’aurait par ses vertus appris à l’apaiser ;

Il a quitté la cour, il a fui Nicéphore ;

Il m’abandonne en proie au monde qu’il abhorre :

Et je n’ai que toi seule à qui je puis ouvrir

Ce cœur faible et blessé que rien ne peut guérir.

Mais on ouvre au palais… je vois Memnon paraître.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Publié dans Théâtre

Commenter cet article