ODE - L'anniversaire de la Saint-Barthélemy.

Publié le par loveVoltaire

ODE - L'anniversaire de la Saint-Barthélemy.

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L’ANNIVERSAIRE DE LA SAINT-BARTHÉLEMY,

 

POUR L’ANNÉE 1772.

 

 

(1)

 

 

_______

 

 

 

 

Tu reviens après deux cents ans,

Jour affreux, jour fatal au monde :

Que l’abîme éternel du temps

Te couvre de sa nuit profonde :

Tombe à jamais enseveli

Dans le grand fleuve de l’oubli,

Séjour de notre antique histoire !

Mortels, à souffrir condamnés,

Ce n’est que des jours fortunés

Qu’il faut conserver la mémoire.

 

C’est après le triumvirat

Que Rome devint florissante.

Un poltron, tyran de l’Etat,

L’embellit de sa main sanglante.

C’est après les proscriptions

Que les enfants des Scipions

Se croyaient heureux sous Octave.

Tranquille et soumis à sa loi,

On vit danser le peuple-roi,

En portant des chaînes d’esclave.

 

Virgile, Horace, Pollion,

Couronnés de myrte et de lierre,

Sur la cendre de Cicéron

Chantaient les baisers de Glycère ;

Ils chantaient dans les mêmes lieux

Où tombèrent cent demi-dieux

Sous des assassins mercenaires ;

Et les familles des proscrits

Rassemblaient les Jeux et les Ris

Entre les tombeaux de leurs pères.

 

Bellone a dévasté nos champs

Par tous les fléaux de la guerre :

Cérès par ses dons renaissants

A bientôt consolé la terre.

L’enfer engloutit dans ses flancs

Les déplorables habitants

De Lisbonne aux flammes livrée ;

Abandonna-t-on son séjour ?...

On y revient, on fit l’amour,

Et la perte fut réparée.

 

Tout mortel a versé des pleurs ;

Chaque siècle a connu les crimes,

Ce monde est un amas d’horreurs,

De coupables, et de victimes.

Des maux passés le souvenir

Et les terreurs de l’avenir

Seraient un poids insupportable :

Dieu prit pitié du genre humain :

Il le créa frivole et vain,

Pour le rendre moins misérable.

 

 

 

1 – Cette ode fut d’abord publiée sous le titre de Stances pour le 24 août 1772, et réimprimée peu après à la suite des Réflexions philosophiques sur le procès de mademoiselle Camp. (G.A.)

 

 

 

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