SIECLE DE LOUIS XIV - CATALOGUE - Écrivains - Partie 33 - V
Photo de PAPAPOUSS
CATALOGUE
DE LA PLUPART DES ÉCRIVAINS FRANÇAIS
QUI ONT PARU DANS LE SIÈCLE DE LOUIS XIV,
Pour servir à l’histoire littéraire de ce temps.
______________
VAILLANT (Jean-Foy)
1632 - 1706
Né à Beauvais, en 1632. Le public lui doit la science des médailles, et le roi la moitié de son cabinet. Le ministre Colbert le fit voyager en Italie, en Grèce, en Egypte, en Turquie, en Perse. Des corsaires d’Alger le prirent en 1674, avec l’architecte Desgodets. Le roi les racheta tous deux. Jamais savant n’essuya plus de dangers. Mort en 1706.
VAILLANT (Jean-François-Foy)
1665 - 1708
Né à Rome, en 1665, pendant les voyages de son père : antiquaire comme lui. Mort en 1708.
VALINCOURT (Jean-Baptiste-Henri du Trousset de)
1653 - 1730
Né en 1653. Une épître (*) que Despréaux lui a adressée fait sa plus grande réputation. On a de lui quelques petits ouvrages : il était bon littérateur. Il fit une assez grande fortune, qu’il n’eût pas faite s’il n’eût été qu’homme de lettres. Les lettres seules, dénuées de cette sagacité laborieuse qui rend un homme utile, ne procurent presque jamais qu’une vie malheureuse et méprisée. Un des meilleurs discours qu’on ait jamais prononcés à l’Académie, est celui dans lequel M. de Valincourt tâche de guérir l’erreur de ce nombre prodigieux de jeunes gens qui, prenant leur fureur d’écrire pour du talent, vont présenter de mauvais vers à des princes, inondent le public de leurs brochures, et qui accusent l’ingratitude du siècle, parce qu’ils sont inutiles au monde et à eux-mêmes. Il les avertit que les professions qu’on croit les plus basses sont fort supérieures à celle qu’ils ont embrassée (**). Mort en 1730.
* C’est la satire XI, Sur l’Honneur ; elle a forme d’épître.
** Si Voltaire cite ici Valincourt, c’est qu’il est bien de son avis. (G.A.)
VALOIS (Adrien de)
1607 - 1692
Né à Paris, en 1607, historiographe de France. Ses meilleurs ouvrages sont sa Notice des Gaules et son Histoire de la première race. Mort en 1692.
VALOIS (HENRI de)
1603 - 1676
Frère du précédent, né en 1603. Ses ouvrages sont moins utiles à des Français que ceux de son frère. Mort en 1676.
VARIGNON (Pierre)
1654 - 1722
Né à Caen, en 1654 : mathématicien célèbre. Mort en 1722.
VARILLAS (Antoine)
1624 - 1696
Né dans la Marche, en 1624 ; historien plus agréable qu’exact. Mort en 1696.
VAVASSEUR (François)
1605 - 1681
Né dans le Charolais, en 1605, jésuite, grand littérateur. Il fit voir le premier que les Grecs et les Romains n’ont jamais connu le style burlesque, qui n’est qu’un reste de barbarie. Mort en 1681.
VAUBAN (Sébastien Le Prestre, maréchal de)
1633 - 1707
Né en 1633. La Dixme royale qu’on lui a imputée n’est pas de lui, mais de Bois-Guilebert (*). Elle n’a pu être exécutée, et est en effet impraticable. On a de lui plusieurs Mémoires dignes d’un bon citoyen. Il contribua beaucoup par ses conseils à la construction du canal de Languedoc. Observons qu’il était très ignorant, qu’il l’avouait avec franchise, mais qu’il ne s’en vantait pas. Un grand courage, un zèle que rien ne rebutait, un talent naturel pour les sciences de combinaisons, de l’opiniâtreté dans le travail, le coup d’œil dans les occasions, qui ne se trouve pas toujours ni avec les connaissances ni avec le talent ; telles furent les qualités auxquelles il dut sa réputation. Il a prouvé, par sa conduite, qu’il pouvait y avoir des citoyens dans un gouvernement absolu. Mort en 1707.
* Erreur de Voltaire. La Dixme royale est de Vauban. (G.A.)
VAUGELAS (Claude Favre de)
1585 - 1650
Né à Bourg-en-Bresse, en 1585. C’est un des premiers qui ont épuré et réglé la langue, et de ceux qui pouvaient faire des vers italiens sans en pouvoir faire de français. Il retoucha pendant trente ans sa traduction de Quinte-Curce. Tout homme qui veut bien écrire doit corriger ses ouvrages toute sa vie (*). Mort en 1650.
* Voltaire donne le précepte et l’exemple. (G.A.)
VERGIER (Jacques)
1657 - 1720
Né à Paris, en 1657 (*). Il est à l’égard de La Fontaine, ce que Campistron est à Racine ; imitateur faible, mais naturel : mort assassiné à Paris par des voleurs, en 1720. On laisse entendre, dans le Moréri, qu’il avait fait une parodie contre un prince puissant (**) qui le fit tuer. Ce conte est faux.
* En 1655. (G.A.)
** Le prince de Condé. (G.A.)
VERTOT (René Aubert de)
1655 - 1735
Né en Normandie, en 1655. Historien agréable et élégant. Mort en 1735.
VILLARS (Le maréchal, Louis-Claude duc de)
1652 - 1734
Né en 1652. Le premier tome des Mémoires qui portent son nom est entièrement de lui (*). Il savait par cœur les beaux endroits de Corneille, de Racine et de Molière. Je lui ai entendu dire un jour à un homme d’Etat fort célèbre, qui était étonné qu’il sût tant de vers de comédie : « J’en ai moins joué que vous, mais j’en sais davantage. » Mort en 1734.
* Les deux autres sont de l’abbé Margon. (G.A.)
VILLEDIEU (Marie-Catherine Desjardins,
plus connue sous le nom de madame de)
1640 - 1683
Ses romans lui firent de la réputation. Au reste, on est bien éloigné de vouloir donner ici quelque prix à tous ces romans dont la France a été et est encore inondée ; ils ont presque tous été, excepté Zaïde (*), des productions d’esprits faibles qui écrivent avec facilité des choses indignes d’être lues par les esprits solides : ils sont même pour la plupart dénués d’imagination ; et il y en a plus dans quatre pages de l’Arioste que dans tous ces insipides écrits qui gâtent le goût des jeunes gens. Née à Alençon, vers 1640 (**), morte en 1683.
* Par madame de La Fayette. (G.A.)
** En 1632. (G.A.)
VILLIERS (Pierre de)
1648 – 1728
Né à Coignac, en 1648, jésuite. Il cultiva les lettres, comme tous ceux qui sont sortis de cet ordre. Ses sermons, et son Poème sur l’art de prêcher, eurent de son temps quelque réputation. Ses stances sur la solitude sont fort au-dessus de celles de Saint-Amant, qu’on avait tant vantées, mais ne sont pas encore tout à fait dignes d’un siècle si au-dessus de celui de Saint-Amant. Mort en 1728.
VOITURE (Vincent)
1598 - 1648
Né à Amiens, en 1598. C’est le premier qui fut en France ce qu’on appelle un bel esprit. Il n’eut guère que ce mérite dans ses écrits, sur lesquels on ne peut se former le goût ; mais ce mérite était alors très rare. On a de lui de très jolis vers, mais en petit nombre. Ceux qu’il fit pour la reine Anne d’Autriche, et qu’on n’imprima pas dans son recueil, sont un monument de cette liberté galante qui régnait à la cour de cette reine, dont les frondeurs lassèrent la douceur et la bonté.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Je pensois si le cardinal,
J’entends celui de La Valette,
Pouvoit voir l’éclat sans égal
Dans lequel maintenant vous ête (*) ;
J’entends celui de la beauté ;
Car auprès je n’estime guère,
Cela soit dit sans vous déplaire,
Tout l’éclat de la majesté (**).
Il fit aussi des vers italiens et espagnols avec succès. Mort en 1648.
Ce n’est pas la peine de pousser plus loin ce Catalogue. On y voit un petit nombre de grands génies, un assez grand d’imitateurs, et on pourrait donner une liste beaucoup plus longue des savants. Il sera difficile désormais qu’il s’élève des génies nouveaux, à moins que d’autres mœurs, une autre sorte de gouvernement, ne donnent un tour nouveau aux esprits. Il sera impossible qu’il se forme des savants universels, parce que chaque science est devenue immense. Il faudra nécessairement que chacun se réduise à cultiver une petite partie du vaste champ que le siècle de Louis XIV a défriché.
* Alors on était dans l’usage de retrancher, dans les vers, les lettres finales qui incommodaient : vous ête, pour vous êtes. C’est ainsi qu’en usent les Italiens et les Anglais. La poésie française est trop gênée, et très souvent trop prosaïque.
** Voltaire ne cite pas exactement. Voici, du reste, le commencement de cette pièce extrêmement curieuse. Surpris un jour en rêverie par Anne d’Autriche, qui lui demanda à quoi il pensait, Voiture lui répondit le soir même :
Je pensais que la destinée,
Après tant d’injustes rigueurs,
Vous a justement couronnée
D’éclat, de gloire et de grandeurs ;
Mais que vous étiez plus heureuse
Lorsque vous étiez autrefois,
Je ne veux pas dire amoureuse ;
La rime le veut toutefois :
Je pensais (car nous autres poètes
Nous pensons extravagamment)
Ce que, dans l’état où vous êtes,
Vous penseriez en ce moment,
Si vous voyiez dans cette place
Venir le duc de Buckingham,
Et lequel serait en disgrâce
De lui ou du père Vincent.
Je pensais que le cardinal,
J’entends celui de La Valette,
Aurait un plaisir sans égal
En voyant l’éclat où vous ête ;
Je dis celui de la beauté,
Car sans lui je n’estime guère,
Cela soit dit sans vous déplaire,
Tout celui de la majesté. Etc. (G.A.)