FACÉTIES - Lettre pastorale à M. l'archevêque d'Ausch.

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FACÉTIES - Lettre pastorale à M. l'archevêque d'Ausch.

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LETTRE PASTORALE

 

A M. L’ARCHEVÊQUE D’AUSCH, J.F. DE MONTILLET.

 

 

 

- 1766 -

 

 

 

[En 1764, Jean-François de Montillet avait publié un mandement qui fut condamné au feu par le parlement de Bordeaux. Dans ce mandement, œuvre du jésuite Patouillet, Voltaire était insulté, ainsi que tous les philosophes. Il est probable que Voltaire aurait répondu aussitôt à l’archevêque s’il n’avait pas eu pour voisin et pour débiteur le propre neveu du prêtre insulteur, et si l’avocat La Croix, dès la première heure, n’avait pas répliqué à Montillet sous le masque de Jean-Jacques. Mais l’archevêque ne perdit rien pour attendre, comme on va voir, et l’on trouve encore une bonne note à son adresse dans l’épilogue de la Guerre civile de Genève.] (G.A.)

 

 

 

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          Il parut sous votre nom, monsieur, en 1764, une Instruction pastorale, qui n’est malheureusement qu’un libelle diffamatoire. On s’élève dans cet ouvrage contre le Recueil des assertions (1), consacré par le parlement de Paris : on y regarde les jésuites comme des martyrs, et les parlements comme des persécuteurs (2) ; on y accuse d’injustice l’édit du roi qui bannit irrévocablement les jésuites du royaume. Cette Instruction pastorale a été brûlée par la main du bourreau. Le roi fait réprimer les attentats à son autorité ; les parlements savent les punir ; mais les citoyens, qui sont attaqués avec tant d’insolence dans ce libelle, n’ont d’autre ressource que celle de confondre les calomnies. Vous avez osé insulter des hommes vertueux que vous n’êtes pas à portée de connaître ; vous avez surtout indignement outragé un citoyen qui demeure à cent cinquante lieues de vous : vous dites à vos diocésains d’Ausch que ce citoyen, officier du roi, et membre d’un corps à qui vous devez du respect (3), est un vagabond et un fugitif du royaume, tandis qu’il réside depuis quinze années dans ses terres, où il répand plus de bienfaits que vous ne faites dans votre diocèse, quoique vous soyez plus riche que lui. Vous le traitiez de mercenaire dans le temps même qu’il donnait des secours généreux à votre neveu, dont les terres sont voisines des siennes : ainsi vous couronnez vos calomnies par la lâcheté et par l’ingratitude. Si c’est un jésuite qui est l’auteur de votre brochure, comme on le croit, vous êtes bien à plaindre de l’avoir signée ; si c’est vous qui l’avez faite, ce qu’on ne croit pas, vous êtes plus à plaindre encore. Vous savez tout ce que vos parents et tout ce que des hommes d’honneur vous ont écrit sur le scandale que vous avez donné, qui déshonorerait à jamais l’épiscopat, et qui le rendrait méprisable, s’il pouvait l’être. On a épuisé toutes les voies de l’honnêteté pour vous faire rentrer en vous-même. Il ne reste plus à une famille considérable, si insolemment outragé, qu’à dénoncer au public l’auteur du libelle comme un scélérat dont on dédaigne de se venger, mais qu’on doit faire connaître. On ne veut pas soupçonner que vous ayez pu composer ce tissu d’infamies, dans lequel il y a quelque ombre d’érudition ; mais quel que soit son abominable auteur, on ne lui répond qu’en servant la religion qu’il déshonore, en continuant à faire du bien, et en priant Dieu qu’il convertisse une âme si perverse et si lâche, s’il est possible pourtant qu’un calomniateur se convertisse.

 

 

 

 

1 – C’est le fameux ouvrage des jansénistes contre les jésuites. (G.A.)

2 – Nos pères vous avaient appris à respecter les jésuites, etc., page 34 et suivantes du mandement de M. d’Ausch.

3 – Pages 12, 13, et 14 du libelle.

 

 

 

 

 

 

 

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