ÉPÎTRE - A M.le chevalier de Boufflers

Publié le par loveVoltaire

ÉPÎTRE - A M.le chevalier de Boufflers

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A M. LE CHEVALIER DE BOUFFLERS.

 

 

 

 

 – 1766 –

 

 

(1)

 

 

 

 

Croyez qu’un vieillard cacochyme,

Chargé de soixante et douze ans,

Doit mettre, s’il a quelque sens,

Son âme et son corps au régime.

 

Dieu fit la douce illusion

Pour les heureux fous du bel âge,

Pour les vieux fous l’ambition,

Et la retraite pour le sage.

 

Vous me direz qu’Anacréon,

Que Chaulieu même, et Saint-Aulaire,

Tiraient encor quelque chanson

De leur cervelle octogénaire.

 

Mais ces exemples sont trompeurs ;

Et quand les derniers jours d’automne

Laissent éclore quelques fleurs,

On ne leur voit point les couleurs

Et l’éclat que le printemps donne :

Les bergères et les pasteurs

N’en forment point une couronne.

La Parque, de ses vilains doigts,

Marquait d’un sept avec un trois

La tête froide et peu pensante

De Fleury, qui donna les lois

A notre France languissante.

Il porta le sceptre des rois,

Et le garda jusqu’à nonante.

 

Régner est un amusement

Pour un vieillard triste et pesant,

De tout autre chose incapable ;

Mais vieux bel esprit, vieux amant,

Vieux chanteur, est insupportable.

 

C’est à vous, ô jeune Boufflers,

A vous, dont notre Suisse admire

Le crayon, la prose, et les vers,

Et les petits contes pour rire (2) ;

C’est à vous de chanter Thémire,

Et de briller dans un festin,

Animé du triple délire

Des vers, de l’amour, et du vin.

 

 

1 – C’était le fils de la marquise de Boufflers, maîtresse de Stanislas. Il avait alors vingt-neuf ans. (G.A.)

 

2 – Boufflers a écrit des lettres sur la Suisse et de petits contes, tels que Aline, reine de Golco de. (G.A.)

 

 

 

 

 

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