POÈME - Précis du cantique des cantiques - Partie 2
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PRÉCIS DU CANTIQUE DES CANTIQUES.
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INTERLOCUTEURS :
LE CHATON, LA SULAMITE,
LES COMPAGNES DE LA SULAMITE.
(Les amis du Chaton ne parlent pas.)
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LE CHATON.
Que les baisers ravissants (1)
De ta bouche demi-close
Ont enivré tous mes sens !
Les lis, les boutons de rose
De tes deux globes naissants
Sont à mon âme enflammée
Comme les vins bienfaisants
De la fertile Idumée,
Et comme le pur encens
Dont Tadmor est parfumée.
Sous les murs des Pharaons,
A travers les beaux vallons,
Les cavales bondissantes
Ont moins de légèreté ;
Les colombes caressantes,
Dans leurs ardeurs innocentes,
Ont moins de fidélité.
LA SULAMITE.
J’ai peu d’éclat, peu de beauté, mais j’aime,
Mais je suis belle aux yeux de mon amant ;
Lui seul il fait ma joie et mon tourment ;
Mon tendre cœur n’aime en lui que lui-même.
De mes parents la sévère rigueur (2)
Me commanda de bien garder ma vigne ;
Je l’ai livrée au maître de mon cœur :
Le vendangeur en était assez digne.
LE CHATON.
Non, tu ne te connais pas, (3)
O ma chère Sulamite !
Rends justice à tes appas,
N’ignore plus ton mérite.
Salomon dans son palais
A cent femmes, cent maîtresses,
Seul objet de leurs tendresses
Et seul but de tous leurs traits ;
Mille autres sont renfermées
Dans ce palais des plaisirs,
Et briguent par leurs soupirs
L’heureux moment d’être aimées.
Je ne possède que toi ;
Mais ce sérail d’un grand roi,
Ces compagnes de sa couche,
Ces objets si glorieux,
N’ont point d’attrait qui me touche ;
Rien n’approche sous les cieux
D’un sourire de ta bouche,
D’un regard de tes beaux yeux.
Sais-tu que ces grandes reines,
Dans leurs pompes si hautaines,
A ton aspect ont pâli ?
Leur éclat s’en est terni ;
Défaites, humiliées,
Malgré leur orgueil jaloux,
Toutes se sont écriées :
Elle est plus belle que nous !
LA SULAMITE.
Le maître heureux de mes sens, de mon âme (4)
De tous mes vœux, de tous mes sentiments,
Me fait goûter de fortunés moments,
Soutenez-moi, je languis, je me pâme,
Je meurs d’amour ; versez sur moi des fleurs,
Inondez-moi des plus douces odeurs :
Que sur mon sein mon tendre amant repose ;
Qu’en s’endormant de moi-même il dispose ;
Qu’il soit à moi dans les bras du sommeil ;
Que de ses mains il me tienne embrassée,
Que son image occupe ma pensée,
Et qu’il m’embrasse encore à son réveil.
Chère idole que j’adore,
Mon cœur a veillé toujours !
Je me lève avant l’aurore,
Je demande mes amours.
Lit sacré, dépositaire
Des mouvements de mon cœur,
Des amours doux sanctuaire,
Qu’as-tu fait de mon bonheur ?
Eveillez-vous, mes compagnes,
Venez plaindre mon tourment ;
Prés, ruisseaux, forêts, montagnes,
Rendez-moi mon cher amant.
Je l’ai perdu le seul bien qui m’enchante (5) !
Ah ! je l’entends, j’entends sa voix touchante ;
Il vient, il ouvre, il entre. Ah ! je te vois !
Mon cœur s’échappe, et s’envole après toi.
Hélas ! une fausse image
Trompe mes yeux égarés ;
Je ne vois plus qu’un nuage ;
Des regrets sont le partage
De mes sens désespérés.
O mes compagnes fidèles !
Voyez mes craintes cruelles ;
Adoucissez ma douleur ;
Dites-moi quelle contrée,
Quelle terre est honorée
De l’objet de mon ardeur,
Quel Dieu m’en a séparée.
LES COMPAGNES DE LA SULAMITE.
Apprenez-nous quel est l’amant heureux (6)
Qui vous retient dans de si douces chaînes ;
Nous partageons votre joie et vos peines,
Nous chercherons cet objet de vos vœux.
LA SULAMITE.
Le vainqueur que j’idolâtre (7)
Est le plus beau des humains ;
L’Amour forma de ses mains
Son sein plus blanc que l’albâtre.
L’ébène de ses cheveux
Ombrage son front d’ivoire,
Ce front noble et gracieux,
Ce front couronné de gloire ;
Un feu pur est dans ses yeux :
Sous une telle figure
Descendent du haut des cieux
Les maîtres de la nature,
Ministres du Dieu des dieux ;
Mais de son cœur vertueux
Si je faisais la peinture,
Vous le connaîtriez mieux.
LE CHATON.
Je vous retrouve, ô maîtresse chérie (8) !
Je vous revois, je vous tiens dans mes bras :
Dans mes jardins j’avais porté mes pas ;
Mais près de vous toute fleur est flétrie,
Charmant palmier, tige aimable et fleurie,
Je viens cueillir vos fruits délicieux.
Ciel, que le temps est un bien précieux !
Tout le consume, et l’amour seul l’emploie.
Mes chers amis, qui partagez ma joie,
Buvez, chantez, célébrez ses attraits :
Dans les bons vins que votre âme se noie,
Je vais goûter des plaisirs plus parfaits.
LA SULAMITE.
Paix du cœur, volupté pure (9),
Doux et tendre emportement,
Vous guérissez ma blessure.
Ne souffrez pas que j’endure
Un nouvel éloignement ;
L’absence d’un seul moment
Est un moment de parjure.
Allons voir, allons tous deux
Voir nos myrtes amoureux ;
Prenons soin de leur culture,
Redoublons nos tendres nœuds
Sur nos tapis de verdure ;
Fuyons le bruyant séjour
De cette superbe ville :
Le village est plus tranquille ;
Et la nature et l’amour
L’ont choisi pour leur asile.
1 – TEXTE : Qu’il me baise, ou Qu’elle me baise de baisers de sa bouche ; car vos mamelles sont meilleures que le vin ; elles ont l’odeur du meilleur baume, et votre nom est une huile répandue.
Mon amie, je te compare aux chevaux attelés au char de Pharaon. Ah ! que vous êtes belle ! vos yeux sont comme des yeux de colombe.
REMARQUE : Quoique plusieurs grands personnages aient cru que c’était la Sulamite qui parlait dans ces deux premiers versets, cependant, comme il s’agit de mamelle, il a paru plus convenable de mettre ces paroles dans la bouche du Chaton. De plus, la comparaison des mamelles avec les grappes de raisin et avec du vin se trouve plusieurs fois dans le Cantique, et c’est toujours le Chaton qui parle. Les hébraïsants disent que le terme qui répond à mamelle est d’une beauté énergique en hébreu. Ce mot n’a pas en français la même grâce ; tétons est trop peu grave, sein est trop vague. Les savants croient qu’il est difficile d’atteindre à la beauté de la langue hébraïque.
2 – TEXTE : Je suis noire, mais je suis belle comme les tabernacles de Cédar, et comme les pelisses de Salomon… Ne considérez pas que je suis trop brune, car c’est le soleil qui m’a hâlée. Mes parents m’ont fait garder les vignes : hélas ! je n’ai pu garder ma propre vigne.
REMARQUE : Ces paroles semblent prouver que la Sulamite est une bergère, une villageoise, qui dit naïvement qu’elle se croit belle comme les tapisseries du roi, et que par conséquent ce cantique n’est pas l’épithalame de Salomon et d’une fille du roi d’Egypte, comme d’illustres commentateurs l’ont dit. Les princesses égyptiennes n’étaient pas noires, et ne gardaient pas les vignes.
3 – TEXTE : Si tu ne te connais pas, la plus belle des femmes, va paître tes moutons et tes chevreaux… Il y a soixante reines, quatre-vingts concubines, et des jeunes filles sans nombre. Tu es seule ma colombe, ma parfaite. Les reines et les concubines t’ont admirée.
REMARQUE : Ces soixante reines et ces quatre-vingts concubines ont fait penser à plusieurs commentateurs que ce n’est pas Salomon qui composa ce Cantique, puisque Salomon avait sept cents femmes et trois cents concubines, selon le texte sacré. Peut-être n’avait-il alors que soixante femmes. Il se peut aussi que l’auteur parle ici d’un autre roi que Salomon. Les commentateurs qui ne croient pas que le Cantique des Cantiques soit de ce roi juif, prétendent qu’il n’est guère vraisemblable que Salomon dise à sa bien-aimée : « Tu es plus belle que toutes les maîtresses du roi. » C’est une expression qui semble convenir aux hommes d’un ordre inférieur, comme il est d’usage parmi nous d’appeler une femme ma reine ; cependant il est tout aussi naturel que Salomon dise à sa nouvelle femme : « Tu es plus belle que toutes mes femmes et mes maîtresses. » (1759 et 1761.)
4 – TEXTE : Mon bien-aimé est comme un bouquet de myrte : il demeurera entre mes mamelles… Soutenez-moi avec des fleurs, fortifiez-moi avec des fruits ; car je languis d’amour. Qu’il mette sa main gauche sur ma tête, et que sa main droite m’embrasse.
Je dors, mais mon cœur veille.
REMARQUE : Il est difficile d’exprimer comment à la fois on dort et on veille. C’est une figure asiatique qui exprime un songe.
5 – TEXTE : J’ai cherché durant la nuit celui qu’aime mon âme ; je l’ai cherché, et je ne l’ai point trouvé. Mon bien-aimé a passé sa main par le trou, et mon ventre tressaillit à ce tact. J’ai ouvert la porte à mon bien-aimé, mais il n’y était plus : mon âme s’est liquéfiée. Je l’ai cherché, et je ne l’ai point trouvé.
Je vous conjure, filles de Jérusalem, si vous trouvez mon bien-aimé, de lui dire que je languis d’amour.
REMARQUE : La Sulamite dit ensuite qu’elle a cherché son Chaton aux portes de la ville, et que les gardes l’ont battue ; ce qui ne conviendrait guère à une épouse de Salomon.
6 – TEXTE : LES FILLES.
Quel est le bien-aimé que vous aimez d’amour, ô la plus belle des femmes ? etc.
7 – TEXTE :
LA SULAMITE.
Mon bien-aimé est blanc et rouge, choisi entre mille ; ses cheveux sont comme des feuilles de palmier, noirs comme un corbeau ; ses yeux sont comme des pigeons sur le bord des eaux, lavés dans du lait ; ses joues sont comme des parterres d’aromates, sa poitrine est comme un ivoire marqueté de saphirs, etc.
LES FILLES.
Où est allé votre bien-aimé ? nous irons le chercher avec vous.
8 – TEXTE :
LE CHATON.
Je suis descendu dans le jardin des noyers, pour voir les fruits des vallées… Votre nez est comme la tour du mont Liban qui regarde Damas… votre taille est semblable à un palmier.
J’ai dit : « Je monterai sur le palmier, et j’en prendrai les fruits ;» car vos mamelles sont comme des grappes de raisin, etc.
J’ai bu mon vin avec mon lait. Mangez, mes amis ; buvez, enivrez-vous, mes très chers amis.
REMARQUE : C’était un usage commun dans les pays chauds de ne point boire son vin pur : on le mêlait souvent avec du lait. Dans l’Odyssée, on y infuse des raclures de fromage. Les anciens diffèrent de nous en tout. (1761.)
9 – TEXTE :
LA SULAMITE.
Je suis à mon bien-aimé, et son cœur se retourne vers moi. Venez, sortons dans les champs, demeurons au village ; levons-nous matin pour aller aux vignes ; c’est là que je vous donnerai mes mamelles.