DICTIONNAIRE PHILOSOPHIQUE - A comme ARDEUR

Publié le par loveVoltaire

DICTIONNAIRE PHILOSOPHIQUE - A comme ARDEUR

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A comme ARDEUR.

 

 

 

 

 

 

          Le Dictionnaire encyclopédique n’ayant parlé que des ardeurs d’urine et de l’ardeur d’un cheval, il paraît expédient de citer aussi d’autres ardeurs ; celle du feu, celle de l’amour. Nos poètes français, italiens, espagnols, parlent beaucoup des ardeurs des amants ; l’opéra n’a presque jamais été sans ardeurs parfaites. Elles sont moins parfaites dans les tragédies ; mais il y a toujours beaucoup d’ardeurs.

 

          Le Dictionnaire de Trévoux dit qu’ardeur en général signifie une passion amoureuse. Il cite pour exemple ce vers :

 

 

C’est de tes jeunes yeux que mon ardeur est née.

 

et on ne pouvait guère en rapporter un plus mauvais. Remarquons ici que ce dictionnaire est fécond en citations de vers détestables. Il tire tous ses exemples de je ne sais quel nouveau choix de vers, parmi lesquels  il serait très difficile d’en trouver un bon. Il donne pour exemple de l’emploi du mot d’ardeur ces deux vers de Corneille :

 

Une première ardeur est toujours la plus forte ;

Le temps ne l’éteint point, la mort seule l’emporte ;

 

et celui-ci de Racine :

 

Rien ne peut modérer mes ardeurs insensées.

 

 

          Si les compilateurs de ce dictionnaire avaient eu du goût, ils auraient donné pour exemple du mot ardeur bien placé cet excellent morceau de Mithridate (acte IV, scène V) :

 

 

J’ai su, par une longue et pénible industrie,

Des plus mortels venins prévenir la furie.

Ah ! qu’il eût mieux valu, plus sage et plus heureux,

Et repoussant les traits d’un amour dangereux,

Ne pas laisser remplir d’ardeurs empoisonnées

Un cœur déjà glacé par le froid des années !

 

 

          C’est ainsi qu’on peut donner une nouvelle énergie à une expression ordinaire et faible. Mais pour ceux qui ne parlent d’ardeur que  pour rimer avec cœur, et qui parlent de leur vive ardeur ou de leur tendre ardeur, et qui joignent encore à cela les alarmes ou les charmes qui leur ont coûté tant de larmes, et qui, lorsque toutes ces platitudes sont arrangées en douze syllabes, croient avoir fait des vers, et qui, après avoir écrit quinze cents lignes remplies de ces termes oiseux en tout genre, croient avoir fait une tragédie, il faut les renvoyer au nouveau choix de vers, ou au recueil en douze volumes des meilleures pièces de théâtre, parmi lesquelles on n’en trouve pas une seule qu’on puisse lire.

 

 

 

 

 

 

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