ARTICLES DE JOURNAUX - Hymne de Callimarque de Cyrène
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ARTICLES DE JOURNAUX.
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CALLIMACHI CYRENÆI HYMNI CUM LATINA INTERPRETATIONE.
HYMNE DE CALLIMAQUE DE CYRÈNE.
Traduits en vers italiens, et imprimés pour la première fois
à Florence.
- 1763 -
Gazette littéraire, 23 Mai 1764.
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L’histoire des lettres prouve bien qu’elles ont, ainsi que toutes les choses humaines, leurs périodes et leurs révolutions. Les mêmes études qui, dans un siècle, ont été généralement cultivées, on les abandonne dans le siècle suivant, soit pour s’attacher à des objets plus utiles, soit parce que telle est l’inconstance de l’homme, qu’il se laisse nécessairement entraîner au charme de la nouveauté. Mais bientôt ce même fond d’inconstance ou d’inquiétude nous ramène sur les occupations qu’on a longtemps négligées, et des goûts qui paraissaient entièrement éteints renaissent et se montrent avec la chaleur des passions.
Quand les lettres et les arts se ranimèrent en Italie, on ne vit presque paraître que des traductions : Homère, Hésiode, Euripide, Sophocle, Aristophane, Musée, Coluthus, Lycophron, etc., eurent leurs traducteurs. Plus d’un siècle entier s’écoula ensuite sans qu’aucun homme de lettres s’avisât d’inquiéter les mânes des poètes anciens : mais aujourd’hui on les tourmente plus que jamais ; l’Italie est inondée de versions et d’interprétations de toute espèce. Peut-être, dit un Italien lui-même, se persuade-t-on que jusqu’à présent on n’a point su traduire ; peut-être aussi ne sait-on plus à quoi s’occuper pour se faire un nom dans la république des lettres.
La traduction dont il s’agit ici est très fidèle et très pure ; aux hymnes de Callimaque, l’éditeur, M. Bandini, a ajouté les Epigrammes de ce poète-grammairien, ainsi que le petit poème sur la Chevelure de Bérénice. L’ouvrage renferme différentes versions latines, un grand nombre de leçons ou variantes, et des notes très bien choisies.
On ne trouve dans Callimaque ni les élans sublimes, ni les figures hardies, ni les expressions étincelantes de Pindare ; ses hymnes ressemblent plutôt à ceux qu’on attribue à Homère ; c’est à peu près la même marche et le même ton. Quant à sa versification, elle est douce, élégante, et très soignée. M. l’abbé Terrasson prétendait même qu’elle est supérieure à celle d’Homère. Cet académicien était au nombre des gens de lettres du siècle dernier, qui confondaient les progrès des arts avec les progrès de la philosophie. Parce que les modernes sont plus grands géomètres que ne l’étaient les anciens, M. l’abbé Terrasson affirmait qu’ils sont aussi plus grands poètes et plus grands orateurs. Il ne faisait pas attention que la poésie est fille de l’imagination, comme l’éloquence l’est de la liberté ; que plus les facultés critiques se perfectionnent, plus l’imagination s’émousse ; et qu’autant les mœurs des anciens étaient poétiques, autant les mœurs présentes résistent à la poésie.
Comme de tous les ouvrages de Callimaque les moins connus sont ses épigrammes, nous en rapporteront deux.
« C’est dans ces lieux, fait-il dire à Timon le Misanthrope, que pour me dérober au commerce des humains j’ai choisi mon habitation : qui que tu sois, passe ; accable-moi, si tu veux, d’invectives et d’imprécations, mais passe. »
« Acanthius, fils de Dicon, dort ici d’un sommeil sacré. Car ne dites jamais que les bons meurent. »
Avant de finir cette notice, nous ferons observer que les anciens n’attachaient point à l’épigramme l’idée que nous en avons aujourd’hui ; ils ne cherchaient pas toujours à terminer ce genre de poème par quelque chose de piquant et d’inattendu ; toutes les conditions en étaient remplies lorsque l’objet y était énoncé avec élégance et avec précision. Ce n’est pas que, dans le recueil des épigrammes anciennes, on n’en trouve de très délicates et de très ingénieuses ; nous aurons occasion d’en faire connaître un grand nombre dont rien n’égale la finesse. Qu’il nous soit permis, en attendant, de citer celle-ci sur la statue de Vénus qu’on adorait à Cnide, et qu’avait faite Praxitèle :
Cypris passait à Cnide ; elle y trouva Cypris.
O ciel, dit la déesse émue,
Quel objet se présente à mes regards surpris ?
Aux yeux de trois mortels, j’ai paru toute nue,
Adonis, Anchise, et Pâris ;
Mais, Praxitèle, où m’a-t-il vue (1) ?
1 – Ce vers est le dernier de la traduction, plus concise et meilleure, que Voltaire donne de cette même épigramme. Dictionnaire philosophique, article ÉPIGRAMME.